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les nouveaux Incroyables

À la fin du dix-huitième siècle, il y eut en France des excentriques des deux sexes qui se plaisaient à ne pas prononcer la consonne R. On les appelait les Incroyables ["Inc'oyables"] et les Merveilleuses ["Me'veilleuses"]. Cette toquade phonétique dura dix ans et passa de mode.

La fin du vingtième siècle a vu apparaître de nouveaux Incroyables qui se plaisent, eux, à ne pas prononcer le son Ê en fin de mot [comme à la fin de sifflet] et le transforment en son É [comme à la fin de sifflé].(1)

Ces partisans de la transformation du son Ê terminal se comptent aujourd'hui par millions [dont un Président de la République, connu pour avoir souvent déclaré "je veux laper dans le monde", au lieu de "je veux la paix dans le monde"]. À les entendre, leur langue n'est pas le français mais le francé (sic). Ils sont sourds à la musique des voyelles et nous racontent ce qu'ils faisez (sic) au lieu de ce qu'ils faisaient ; entre la main et l'avant-bras, ils ont des poignées, nous qui pensions avoir là des poignets ; ils connaissent des violonistes qui ont un joli coup d'archer et non d'archet. Et bien sûr, ils boivent un breuvage de leur invention, le "lé", qui a fait disparaître le lait de leur propos sinon de leur alimentation...

Les nouveaux Incroyables n'ont pas encore attaqué le son Ê en début ni en milieu de mot. Ils ne disent pas égle au lieu de aigle ni biére au lieu de bière ou mére au lieu de mère. Leur maniérisme ne s'attaque qu'aux désinences, aux sons finissants, comme la hyène ne s'attaque qu'aux bêtes fragilisées traînant à la queue du troupeau.

(1) Et cela indépendamment de tout accent régional insurmontable, parfois invoqué avec bonne ou mauvaise foi comme prétexte à cette coquetterie phonétique galopante, toutes origines régionales confondues.

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Commentaires

MISS L.F. a dit…
Ce commentaire a été supprimé par un administrateur du blog.
Sully a dit…
C'est vrai. je n'avais pas remarqué que cette habitude maintenant omniprésente de mal prononcer les sons -ê- ne frappait, comme vous dites, que les syllabes de fin de mot. Ce qui prouve bien que ça n'a pas de rapport avec l'impossibilité de prononcer correctement les -ê- , si on arrive à dire "verse-moi une bière fraîche" on n'a aucun excuse pour parler "le francé"!
c'est inc'oyable, en effet, que les acteurs et les professeurs, qui font partie du monde le culture contrairement aux journalistes et aux animateurs de télé dont il n'y a pas grand effort à attendre, n'aient pas à coeur de maintenir notre langue intelligible. Je pense que les gens imaginent que O et A c'est très différent, alors que Ê et É, c'est du pareil au même, c'est interchangeable. Grosse ignorance...

Ils n'entendent pas que ce sont deux "notes" tout aussi différentes, é/ê ou o/a ?
Pierre a dit…
Chez nous (Belgique), il est toujours question de Français, avec un è final et non un é.
Miss LF a dit…
Il y avait aussi un article à écrire, dans le même registre, sur les professionnels de la lecture à haute voix à la radio et à la télévision qui, toujours plus nombreux en France, ont perdu le nord au point de ne pas faire le rapprochement entre proche et prochain ou symbole et symbolique ou or et orange, puisqu'ils vous disent "proche" mais "prôchain" et "symbole" mais "symbôlique" et "or" mais "ôrange". Nous avons ajouté ici cet article, sous le titre "bleu d'Écosse ou bleu des Causses ?".

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