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en interne, en individuel, en sous-scutané : triple faute

Les francophones qui ne s'alarment pas de la disparition du complément de nom correctement formé ("votre numéro de compte") au profit de juxtapositions imitées de l'anglais ("votre numéro client") ne s'alarment pas d'une altération profonde de la syntaxe du français. Ils invoquent l'intérêt de simplifier toute langue, et saluent l'économie d'effort d'articulation procurée par la suppression du mot "de"... On doit se réjouir que la paresse soit une si haute vertu à leurs yeux, car on s'en attristerait en pure perte.

Mais alors, on s'étonne de leur acharnement à ajouter ailleurs des mots superflus. Dans l'entreprise, les réunions internes deviennent des réunions "en interne". Selon le même travers, on peut lire ce matin dans la presse nationale française le compte rendu d'une expertise médicale concernant un rocker francophone : un épanchement "en sous-cutané" y est décrit. Un épanchement sous-cutané suffisait. "Sous-cutané" ou "interne" sont des adjectifs et non des compléments de lieu ni de manière justifiant la présence d'une préposition de lieu (en France) ou de manière (en vitesse, en colère, en douce).

Mais les fautes de syntaxe les plus tordues n'ont plus valeur de faute professionnelle chez le journaliste, ni de faille culturelle chez le médecin expert. Donc, à l'instar des voyages individuels qui sont devenus des voyages "en individuel" dans le jargon du tourisme, les plaies de la peau seront désormais des plaies "en cutané" et non des plaies cutanées. Hélas, on pressent où est la véritable plaie dans cette histoire : c'est que la langue française soit bientôt impossible à enseigner sans l'apprentissage d'une liste d'exceptions tellement allongée et tellement embrouillée que chacun se détournera de cette langue en lambeaux.

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