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a minima

En français, on peut préciser qu'une équipe doit être constituée de trois personnes au moins ou constituée de trois personnes au minimum. Les deux expressions sont exactement synonymes et elles sont l'une et l'autre irréprochables.

Mais il existe depuis les années 2000 une tendance à remplacer ces locutions adverbiales françaises au moins et au minimum par la locution juridique latine "a minima". Cette regrettable latinisation, d'inspiration pédante, est fautive car le sens en est inexact, voire opposé. C'est typiquement ce qu'on appelle un abus de langage.

En effet, la formule latine a minima n'est utilisée à bon escient que dans l'expression juridique "appel a minima". Il s'agit d'un appel que le ministère public interjette lorsqu'il estime qu'une peine prononcée par une juridiction est trop clémente. Il y a alors protestation du ministère public "issue de l'insuffisance de la sanction" : a(b) minima, en latin. Par extension - et toujours par pédanterie - le latin a minima peut signifier à l'extrême rigueur "réduit au minimum". Mais en aucun cas le latin a minima ne peut être utilisé dans le sens de au minimum ni au moins.

Les choses se gâtent encore avec l'introduction de la faute d'orthographe qui abâtardit le tout : "à minima" (sic), comme s'il s'agissait de la préposition francophone à et non d'une locution purement latine.

On constate aussi, depuis 2010, une tendance croissante à remplacer les adjectifs minimal et minime par la locution a minima :  "vers une TVA a minima ?" titrait ainsi le quotidien français Le Monde, pour évoquer la perspective d'une TVA réduite, une TVA minimale sinon minimaliste, une TVA minime ou minimisée peut-être. Cette impropriété de terme relève de la même pédanterie ou de la même préciosité, et d'un même suivisme aveugle et sourd à la justesse des termes.

Quand on choisit de se parer du prestige d'une langue morte plutôt que de choyer sa bonne petite langue vivante, il faut au moins ne pas se prendre les pieds dans le catafalque. C'est bien le minimum.

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Commentaires

Roannecoo a dit…
Tout d'abord, bravo pour votre blog ambitieux - c'est pas le boulot qui manque!

Dans votre exemple sur l'extension de sens de "a minima", je dirais que le petit plus par rapport à "au minimum" ou "au moins" est l'introduction d'une notion de faisabilité.
Miss LF a dit…
...Hélas, non. L'emploi de "a minima" au lieu de "au minimum" ou "au moins" n'ajoute au discours qu'une seule notion : la préciosité pédante et la fausse culture ; ce qui s'appelait autrefois la cuistrerie. Merci pour vos compliments qui ont été transmis aux auteurs.
Caillaud a dit…
Merci pour votre action

Dans le même ordre d'idées, une autre expression, très courante, est à mon avis encore pire : "réduire au maximum", dans le sens de "faire le maximum pour réduire".
C'est, à mes yeux, proprement un conresens.
Qu'en pensez-vous ?
Miss LF a dit…
Oui, "réduire au maximum" semble paradoxal lorsqu'il s'agit d'évoquer une réduction qui ramène en réalité quelque chose à son minimum. Mais ceux qui l'emploient peuvent s'en justifier par la volonté d'exprimer l'idée que la réduction sera maximale, donc très importante. Dans ce cas, "au maximum" n'est pas un complément du verbe réduire (comme l'est "au minimum" dans "je réduis ma consommation (jusque) au minimum") mais une locution adverbiale synonyme de "grandement" : "réduire au maximum = réduire de façon maximale = réduire grandement". Cette équation semble acceptable. Non ? Miss LF
Opinelle a dit…
Je suis enchantée de découvrir ce blog et ce billet, même s'il date déjà de plusieurs mois. Il est toujours d'actualité mais risque de ne pas avoir assez d'audience. Je crains que la tentation du latin, ou de quelque chose qui ressemble à du latin, ne soit irrésistible. La locution "a contrario" ne pose-t-elle pas un problème similaire ? Elle commence à supplanter l'expression française "au contraire", jugée sans doute trop plate. Or, "a contrario", si je ne m'abuse, se réfère à une opération logique qui consiste à prouver l'impossibilité d'une proposition et par là même la véracité de la proposition inverse. C'est peut-être même un peu plus complexe - je ne suis pas une grande logicienne. Mais on n'a pas besoin d'écrire "Il n'aime pas les épinards, a contrario il adore les endives", type de phrase que l'on rencontre de nos jours.
Miss LF a dit…
L'article sur l'abus de "a minima" s'avère être l'une de nos publications les plus partagées, ce qui est un signe encourageant pour espérer voir un jour la tendance s'inverser. N'hésitez pas à rediffuser vous aussi cet article. Nous avons rafraîchi sa date de publication en hommage à votre marque d'intérêt. Miss LF

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