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suite à : une fièvre contagieuse

"Suite à" n'est pas français. C'est même du très mauvais français. Cette locution dérisoire est pourtant propagée désormais en France et en Belgique par les médias et les administrations avec le plus grand sérieux. Et la plus navrante obstination.

Initialement, l'expression ''suite à'' n'était employée que par des plaisantins, au même titre que "rapport à", pour singer la langue administrative ou militaire malhabile, dans des phrases comme celle-ci : "Mon adjudant, j'voudrais vous causer suite à ma désertion pour vous donner des explications rapport à l'invasion subie subitement".

On voit bien que la construction des locutions ''suite à'' et ''rapport à'' est absolument défectueuse, puisque le complément de nom doit se construire avec la préposition de et non la préposition à (il convient de dire "le père de Louis" et non "le père à Louis" ; de même, "la suite des événements", et non "la suite aux événements").

En France et en Belgique - contrairement à ce que l'on observe au Québec, en Afrique en Asie - cette dimension sarcastique a été perdue de vue par des professionnels de la langue écrite et parlée, devenus coutumiers d'employer suite à au lieu de après ou à la suite de ou par suite de ou pour faire suite à ou en raison de, à cause de. La même faute n'est pas encore constatée avec la locution "rapport à", qui reste cantonnée au registre de la dérision. Mais l'agonie de la simple préposition après et des saines locutions à cause de, à la suite de, en raison de, du fait de, dans le cadre de, semble avoir débuté dans le langage courant, au bénéfice du très bancal "suite à", subitement prisé par des dizaines de millions de comiques troupiers qui s'ignorent.

NDE : Nous avons déjà publié ce bulletin de santé en janvier 2010. Depuis, l'épidémie de "suite à" n'a cessé de s'étendre. Ainsi, sur France 5, on ne craint pas de diffuser actuellement [été 2013] une série de documentaires sur des catastrophes aériennes dont l'adaptation française est  systématiquement entachées de nombreuses occurrences de la catastrophe linguistique "suite à". Participer de cette manière - et de tant d'autres (cf. titres d'émissions comme "C à dire") - à la détérioration de la langue n'empêche pas France 5 de continuer à se surnommer la chaîne du savoir.

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