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métier n'est pas un adjectif

Le site officiel du ministère de l'Intérieur français a annoncé simultanément un bonne et une mauvaise nouvelle, et l'a fait en ces termes, extraits d'une offre d'emploi : "intégrer une direction qui comporte une grande diversité de domaines « métier » avec de hauts niveaux d’expertise, c'est l'opportunité que vous propose [le] ministère de l'intérieur."

Cherchant à se libérer de l'obligation de trouver le mot juste, on remarque que le rédacteur de l'annonce du ministère, gêné par sa propre carence, s'est senti obligé d'entourer "métier" de guillemets, comme si cela gommait ou atténuait la faute de français. Détrompons-le charitablement :

1°/ non, "métier" n'est pas un adjectif qualificatif ;
2°/ non, un mot au singulier ne peut pas qualifier un mot au pluriel (ici, le nom commun domaines) ;
3°/ non, les guillemets ne gomment pas les fautes, ils les enjolivent à peine.

Il n'est donc pas permis d'écrire domaines "métier" au lieu de domaines professionnels.

Si l'on veut toutefois conserver le mot métier, alors cette affligeante "grande diversité de domaines métier" doit devenir simplement une grande diversité de métiers.

La mauvaise nouvelle, c'est qu'il y a ainsi quatre fautes de français dans ce seul membre de phrase : trois impropriétés de termes (dont deux anglomanies : "opportunité" et "expertise") et un viol de la syntaxe.

La bonne nouvelle, c'est que le poste de rédacteur compétent n'étant manifestement pas déjà pourvu, le ministère de l'Intérieur entend peut-être remédier à cette lacune en recrutant quelques rédacteurs avec qualification de haut niveau (alias "haut niveau d'expertise") en langue française.

Mais la mauvaise nouvelle, c'est aussi que tout candidat s'étant appliqué au cours de sa vie à se doter d'une excellente maîtrise de sa langue maternelle s'exposera ici à ne pas voir cette qualité reconnue, dans la mesure où les recruteurs n'ont rien trouvé à redire à la formulation défectueuse précitée et sont donc sourds et aveugles à leur propre langue. Inaptes à distinguer une véritable compétence rédactionnelle ("un bon rédactionnel" comme ils disent) d'une aptitude à imiter servilement les travers langagiers ambiants.

Il existe probablement une autre mauvaise nouvelle encore entre les lignes de cette offre d'emploi : c'est qu'en dépit de l'ordonnance de Villers-Cotterêts [du 5 août 1539, déjà], il n'est pas permis de tenir tête à un chef qui vous dicte une ânerie linguistique à s'arracher les cheveux. Car il est plus périlleux que jamais de se singulariser par sa maîtrise de la langue dans des milieux professionnels qui reprennent à leur compte les formulations les plus navrantes et s'en gargarisent pour mieux se souder, tous métiers confondus.

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Commentaires

Anonyme a dit…
Les griefs sont évoqués mais mal ou pas expliqués.

-je ne comprends pas cette histoire d'adjectif.
- je ne vois pas la faute de syntaxe reprochée.
Anonyme a dit…
J'écris ici ce que j'ai écris dans un forum à l'attention d'une personne qui ne comprenait pas cet article.

"Métier" est un mot de quelle sorte ? Un pronom, un verbe, un adjectif ? Non, c'est un nom.
"Rouge" est un mot de quelle sorte ? Un pronom, un verbe, une préposition ? Non, c'est un adjectif.
On peut donc dire : "j'exerce mon métier" ou "j'aime les voitures rouges".
"Professionnel" est aussi un adjectif, on peut donc dire "des compétences professionnelles" car "compétence" est un nom qualifié par l'adjectif "professionnel" (compétence est un nom féminin utilisé au pluriel, professionnel est donc utilisé au féminin pluriel).
Peut-on dire "j'aime les voitures métiers" ou plutôt "j'aime les voitures métières" ? Non puisque métier n'est pas un adjectif. J'ai écrit métières car voitures est un nom féminin utilisé au pluriel. Peut-on écrire les voitures métier ? Non toujours car métier n'est toujours pas un adjectif et qu'en plus, si c'en était un il lui faudrait, outre la marque du féminin celle du pluriel.

Que veut dire "domaine métier" ? Rien. Grammaticalement, c'est idiot. Parfois des expressions fausses grammaticalement ont quand même un sens, ici ce n'est même pas le cas. Alors il faut en chercher le sens comme on le fait en lisant un texte étranger écrit en une langue dont on ne connaît pas tout le vocabulaire ni toute la grammaire.
"intégrer une direction qui comporte une grande diversité de domaines « métier »" veut peut-être dire "intégrer un direction qui comporte des métiers de domaines variés" ? L'auteur de l'article fait remarquer que le rédacteur du ministère, dont on peut supposer qu'il se rend compte que ce qu'il écrit est du charabia mais ne sait pas comment écrire une phrase propre exprimant son idée utilise une astuce fumeuse consistant à mettre des guillemets au pif, ce qui aurait l'effet magique de la rendre grammaticalement juste.
Le rédacteur aurait-il écrit "des voitures "rouges"" ? Non mais il faut dire que "des voitures rouges" est du français vraiment très simple alors que "des métiers de domaines variés" (si c'est ça qu'il faut comprendre) est du français d'un niveau terriblement élevé. Même pour le ministère français de l'Intérieur.
C'est à la mode de parler en renonçant à organiser ses phrases ; exemple courant : "une recette minceur". De quoi s'agit-il ? D'une recette qui rend mince ?
Le rédacteur parle également d'"un haut niveau d'expertise". Je suppose qu'il ne recherche pas de candidats d'un bas niveau d'expertise ! Il y aurait donc des experts et des gens qui, par rapport à ces experts, seraient, eux, des experts ?
Ne t'inquiète pas pour la personne qui écrit ces nullités, elle a sûrement un bac+4 en communication et un bon salaire.
Elle ne sait même pas qu'intérieur prend une majuscule dans "ministère de l'Intérieur".

L'auteur fait également remarquer que si un candidat fait allusion à l'aspect fumeux et prétentieux de ce texte lors d'un entretien d'embauche, sa candidature sera flinguée alors que ce devrait être le contraire.
Si tu fais remarquer à ton copain l'épicier du coin qu'il s'est plantouillé sur son affiche provisoire et manuscrite "nous sommes fermer jusqu'à lundi", il ne le prendra pas mal : il ne se prend pas pour un homme de lettres.
Mais si tu le fais remarquer à un professionnel de l'écriture travaillant dans un ministère, tu as intérêt à avoir le statut de fonctionnaire.

Hippocampe
Miss LF a dit…
Merci, Hippocampe, on ne saurait mieux dire.
Miss L.F.
B a dit…
Bonjour,

Effectivement, je trouve que l'annonce citée est mal rédigée.
En revanche, votre réponse, ainsi que le commentaire d'Hippocampe sont tellement hautains qu'ils vous décrédibilisent. Certes, vous utilisez de beaux concepts. Mais votre propos n'est pas plus clair que celui auquel vous vous attaquez. Et au lieu d'expliquer avec les bonnes références et les bonnes règles de grammaire, au lieu de proposer de meilleures formulations, vous ne faites que dénigrer.
Si en plus vous faites les fautes les plus sommaires de conjugaison, alors, vous ne méritez ni l'attention, ni la clémence de votre public. Cf Hippocampe : "J'écris ici ce que j'ai écriS..."

B.
Miss LF a dit…
B? vous êtes bien dur avec nous toutes et avec Hippocampe (ne confondez pas sa simple faute de frappe, ou d'étourderie, avec "la faute la plus sommaire de conjugaison", ce serait manquer de clairvoyance).
Relisez l'article illustré par une Francophone qui s'arrache les cheveux, tout y est dit. Avec causticité, bien sûr, mais nullement de façon hautaine.

Cet article effaré est avant tout plein de compassion pour les personnes compétentes en rédaction qui ne seront pas reconnues comme telles, parce que le chef de service qui a validé cette annonce de recrutement catastrophique est manifestement incapable de distinguer un bon texte d'un mauvais. Miss L.F.
Anonyme a dit…
Bonjour à tous !

Va pour « professionnel » mais, par curiosité : comment exprimez-vous une chose ou un fait qui est « relatif à une activité » ?

Il y a quantité d'exemples d'utilisation du mot « métier » qui se veulent la traduction de l'attribut anglais « business » (b. rule, b. case, b. need, b. process). L'ennui avec « professionnel », c'est que seules certaines activités sont associées à une profession. S'il s'agit d'adresser des enveloppes de publipostage ou d'assurer le suivi des petites cuillers qui n'ont pas encore été volées, on pourra difficilement justifier que c'est un besoin « professionnel ».

Vous me suivez ?
A.
Miss LF a dit…
Notre réponse à votre intéressante interrogation du 30 octobre 2018 :

Profession et métier sont des synonymes stricts. Aucune différence de sens, juste une nuance de style. Ladjectif "professionnel" qualifie donc indifféremment tout ce qui relève d'un métier ou d'une profession. Si affranchir des enveloppes n'est pas une profession, alors ce n'est pas non plus un métier. Mais si c'est un métier, ou une des missions d'un métier plus probablement, c'est une activité professionnelle. En aucun cas "une activité métier", qui n'est en rien du français :-)
Anonyme a dit…
Dans le jargon de la gestion de projet, "métier" est utilisé pour "business" par exemple pour l'opposer aux exigences informatiques. Vous aurez donc l'IT d'un côté, le business de l'autre, chacun avec ses exigences propres. Je traduis de l'allemand, où l'on fait un large usage de l'anglais. Mes collègues gardent l'anglais, ce qui ne me satisfait pas.
L'adjectif "professionnel" ne fonctionne pas ici, on ne peut pas avoir des exigences informatiques à opposer aux exigences professionnelles. On entend "business" derrière métier et la syntaxe boîtante gêne moins (?). "commercial" est trop restreint. "métier" n'est pas parfait, mais il a le grand mérite de remplacer un mot anglais fourre-tout largement utilisé dans les autres langues européennes.
Miss LF a dit…
Très intéressant, merci !

Il reste cependant plus que douteux de s'obstiner à utiliser "métier" comme un adjectif, puisque ce n'en est pas un.

Le seul adjectif que l'on puisse trouver qualifiant ce qui se rapporte au métier, c'est bien "professionnel". A moins d'utiliser l'un des qualificatifs renvoyant à la forme ou la branche d'activité de ce métier : artisanal, juridique, médical, militaire, etc.

Quant à business, c'est à prohiber en français, surtout comme qualificatif. Le qualificatif français approprié est ici le complément de nom "d'affaires".

Donc, "métier" étant irrecevable et "business" aussi, à vous d'apprécier si vraiment "professionnel" ne convient pas. Mais dans l'exemple que vous fournissez, je ne vois pas d'écueil. Au besoin, il suffit d'ajouter une acception technique à ce terme.

Sinon, s'il s'agit du métier en tant que spécialité professionnelle, que diriez vous de ces qualificatifs : "de spécialité" ou "du secteur" ?

Il y aurait "les exigences de notre spécialité" ou "de notre secteur" ou "des divers services" et "les exigences informatiques".

Miss L.F.




Anonyme a dit…
Je vous remercie pour cet article très pertinent. J'arpente depuis des mois les offres d'emploi qui prolifèrent de «process métiers» et autres aberrations langagières. Cet usage douteux de l'adjectif transformé en nom me paraît se répandre de plus en plus : par exemple avec le nom «plastique». Suis-je la seule à être profondément dérangée par «déchets plastiques» ? L'adjectif «plastique» n'ayant, sauf erreur, d'autre signification que celui d'un rapport à la forme ?

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