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colère légitime

En France, le lieu commun concernant les manifestants appelés gilets jaunes consiste à les décrire comme liés par une même colère. La colère de ces manifestants étant présentée - par eux-mêmes autant que par les commentateurs et les politiciens - comme éminemment respectable, et même qualifiée de colère légitime, selon la formule rapidement devenue une précaution oratoire de rigueur.

Les francophones à l'ouïe sensible entendent là un abus de langage périlleux.

Car la définition du mot colère, ici puisée dans le dictionnaire Le Robert, ne laisse pas de doute sur le caractère déplorable de toute colère, fut-elle provoquée : "Mécontentement violent et passager qui s'accompagne d'agressivité".

Les manifestants qui se désolidarisent des violences commises ne peuvent que renoncer à l'invocation d'un droit à la colère. Puisque la colère est violence.

Sur les Champs-Elysées et alentour, dans le feu et le saccage, bref dans la violence, on a vu les effets de cette prétendue légitimité de la colère.

Sauf à s'enliser dans une funeste erreur d'appréciation, ni les manifestants ni les commentateurs ne peuvent poser la colère comme un ressort noble. Ce n'en n'est jamais un. C'est au contraire une expression "agressive, violente et passagère".  Or, s'agit-il d'un mécontentement passager ? Est-ce vraiment ce qui caractérise la détresse morale et le découragement économique exprimés par ces manifestants ?

Les synonymes appropriés ne manquent pourtant pas ; de l'indignation* à la révolte, en passant par la protestation, des termes forts qui ne sont pas entachés d'inconstance et de violence comme l'est la pauvre colère.


L'indignation est le sentiment éprouvé et exprimé par une personne qui s'émeut d'une atteinte à sa propre dignité ou à la dignité d'autrui. L'indignation se distingue nettement de la colère en ce qu'elle peut s'exprimer sans le trait principal de la colère : la violence ou l'agressivité.

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Commentaires

Chamfort a dit…
Ce commentaire a été supprimé par un administrateur du blog.
Chamfort a dit…
Anonyme Chamfort a dit...
Vous avez parfaitement raison de critiquer cet "anoblissement" de la notion de colère. Dans un accès de colère, effectivement, on peut tout casser. Si un accès de colère est noble, alors tout casser l'est aussi

On voit le danger de revendiquer une colère au lieu d'une indignation, par exemple. L'exhortation "indignez-vous !" ne manquait pas de dignité. Mais la proclamation "nous sommes en colère" est oublieuse de ceci : la colère est une courte folie.

La limite de cette démonstration, c'est qu'elle suppose une maîtrise un peu réfléchie de la langue et des concepts moraux, alors que la colère, en gros, tout le monde - éloquent et réfléchi ou non - comprend que ça signifie être à bout et le montrer.

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