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devoirs maison et devoirs sur table

Il y a 900 000 professeurs de français dans le monde. Hors de France, ces professeurs veillent jalousement sur la qualité du français qu'ils enseignent. En France aussi, bien entendu, mais avec moins de vaillance si l'on en juge par leur absence de protestation unanime et véhémente contre les "devoirs maison". On s'étonne et s'afflige qu'ils n'aient pas obtenu de leur ministère, de leur hiérarchie administrative ni de leurs collègues en délicatesse avec la langue française la disparition de ce monstre : le devoir maison.

À qui n'en verrait ni la monstruosité ni la vanité, on doit rappeler qu'en français, avant cette déraison sémantique, un élève qui faisait ses devoirs les faisait par définition à la maison, pas en salle de classe ni en cours de récréation. Il était donc inutile - et ce l'est toujours - d'ajouter la périssologie "maison". De surcroît, il est affligeant de massacrer la syntaxe en accolant les substantifs maison et devoir pour les laisser se démerder pour se qualifier mutuellement sans lien syntaxique ("devoir à la maison" est la formulation correcte). Cette faute de construction pure et dure, appelée parataxe, imite la grammaire anglaise au mépris de la nôtre, en supposant qu'il nous est loisible de parler de "permis conduire" au lieu de permis de conduire, ce qui n'est pas vrai. Mais tend à le devenir dans certains esprits. On aimerait que l'esprit des professeurs de français de France ne soient pas gagné par cette anglomanie négligente, cette cécité psychique qui les prive du discernement de refuser de donner des "devoirs maison" ou de faire du "ménage maison" quand ils passent l'aspirateur chez eux...

Est-ce soumission administrative excessive, tentation de céder à la mode langagière ou surdité à leur propre langue qu'ils dépossèdent ainsi de sa vitalité propre ? Sans doute les trois conjugués, pour certains d'entre eux, à qui peu importe qu'il s'agisse d'un effondrement de la matière qu'ils doivent enseigner, non seulement telle qu'elle vit chez les grands auteurs mais aussi dans leur propre discours pédagogique.

Pendant des siècles, un élève a fait ses devoirs. Il savait de quoi il s'agissait et ses parents aussi. En quoi est-ce un progrès de l'évolution que de l'entendre maintenant revenir avec des "devoirs maison" et s'adonner en classe à des "devoirs sur table" plutôt qu'à des interrogations écrites ?

La formule "devoir sur table"** est impeccable sur le plan grammatical, elle, mais profondément sotte dans la mesure où elle suppose que des tables sur lesquelles écrire ses devoirs, il n'y en ait qu'à l'école et pas chez soi. En quoi la précision "sur table" exprime-t-elle l'école ou l'université plutôt que la maison ? En rien.

En quoi les enseignants s'émeuvent-ils de ces inepties sporadiques du jargon administratif de leur secteur et y font-ils un rempart de leur corps professoral ? En rien.

** On trouve aussi "examen sur table", comme s'il existait des examens qui se passent à domicile, hors la vue d'un examinateur.

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