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Affichage des articles du 2022

cas par cas et heure par heure

L'expression " au cas par cas " est une faute de français qui s'est répandue très largement depuis l'an 2000. Dans notre langue, les choses que l'on examine l'une après l'autre se règlent cas par cas , et non " au cas par cas " (sic). Curieusement, la passion ambiante pour cette faute de construction grammaticale surchargée d'un mot de liaison inutile n'affecte pas les autres locutions adverbiales construites sur le même modèle ; c'est-à-dire construites sur le principe de la répétition d'un mot autour de la préposition par. On entend toujours dire correctement : " marcher deux par deux ", " progresser mètre par mètre ", " s'informer heure par heure ", " réfuter point par point " [et non " au deux par deux", " au mètre par mètre", " au point par point" ni " à l' heure par heure"]. Pourquoi ces locutions voisines ne subissen

les nouveaux Incroyables

À la fin du dix-huitième siècle, il y eut en France des excentriques des deux sexes qui se plaisaient à ne pas prononcer la consonne R. On les appelait les Incroyables [" Inc'oyables "] et les Merveilleuses [" Me'veilleuses "]. Cette toquade phonétique dura dix ans et passa de mode. La fin du vingtième siècle a vu apparaître de nouveaux Incroyables qui se plaisent, eux, à ne pas prononcer le son Ê en fin de mot [comme à la fin de sifflet ] et le transforment en son É [comme à la fin de sifflez ]. Trente ans après, leur toquade dure encore et s'amplifie même. Ces partisans de la transformation du son Ê terminal se comptent aujourd'hui par millions [1] . Ils revendiquent d'être sont sourds à la musique des phonèmes francophones. À les entendre, leur langue n'est pas le  français  mais le  francé  (sic). Ils nous racontent ce qu'ils faisez (sic) au lieu de ce qu'ils faisaient ; entre la main et l'avant-bras, ils ont des

systémique

L'emploi immodéré du terme  " systémique " est à éviter. C'est le nouvel adjectif pompeux dont on aime se gargariser et qu'on accole à tout ce qu'on déplore : violence systémique, pauvreté systémique, embouteillage systémique, misogynie systémique, pédophilie systémique, inculture systémiques, racisme systémique, inflation systémique : tout y passe. Un jour, c'est  systémique qui passera. De mode. Soyez en avance sur votre temps : oubliez-le dès aujourd'hui ! Illustration : poisson à plumes, peut-être systémique lui aussi. Photo de Patrick Rougereau, intitulée Punky Fish (2022). • • • POUR ACCÉDER À LA PAGE D'ACCUEIL DU SITE DE LA MISSION LINGUISTIQUE FRANCOPHONE,  CLIQUEZ ICI Pour prendre directement connaissance des missions de la Mission,  cliquez ici.

égoportrait : le selfie francophone

Francisation magistrale par les Québecois de l'anglais  selfie , on peut regretter que l' égoportrait n'ait pas pris un essor fulgurant dans notre langue, contrairement à tant de termes inutiles ou tournures maladroites. Le portrait de soi, c'était déjà de longue date l' autoportrait . Mais on sait qu'un selfie n'est qu'un autoportrait bâclé à bout de bras ou à bout de perche, sans réelle portée créatrice, et donc un miroir présenté à soi-même pour s'admirer ou se souvenir de soi, plutôt qu'une œuvre donnée à voir au monde pour se dépeindre. Abandonnant le préfixe grec auto- qui renvoie à soi après un détour par l'extérieur, les Canadiens lui ont substitué le latin ego signifiant moi. Moi, moi, moi, encore et toujours moi ! C'est bien l'état d'esprit que revendique la pratique de l' égoportrait -  dont la parenté sémantique avec égotisme et égoïsme n'est pas accidentelle. Illustration : cette image d'un j

s'enfermer et s'exfermer

On sait que notre langue souffre parfois de créations de termes inutiles et mal pensés, nés de la simple ignorance du terme nécessaire déjà présent dans son stock. Inversement, des mots indispensables n'existent pas, et rien ne semble parvenir à les faire exister. Une rivière est profonde ou peu profonde, mais l'adjectif autonome signifiant peu ou pas profond n'existe pas en français ( shallow , en anglais ; flach en allemand ; sekély en hongrois).  L'enfant dont les parents sont morts est orphelin ; mais les parents dont l'enfant est mort n'ont pas de nom.  Les autorités francophones de la néologie officielle ne lui en cherchent pas ; peu importe l'indicible chagrin sans nom. Mais c'est un troisième exemple qui nous intéresse ici. On entre ou on sort. On empêche d'entrer et on empêche de sortir. Or, le contraire d' enfermer - au sens d'empêcher de sortir d'un lieu fermé - n'existe pas en français. Il serait pourtant ut

le misandrisme : une misandrie glorifiée

" Il faut éliminer les hommes " (Alice Coffin, in Le génie lesbien). Car : " Tous les mecs sont des cons, même le tien ." (pancarte de manifestation de l'association Nous Toutes) Au détour des années 2020, une obscure conseillère municipale de la mairie du 12e arrondissement de Paris, Mme Coffin, se fait un nom en s'employant à instaurer le MISANDRISME : une imposture sexiste usurpant le nom de féminisme pour dénier aux hommes l'égalité avec les femmes. L'égalité de droit au respect, l'égalité de mérites, de considération, de compassion, de protection, de bienveillance, d'estime, de neutralité dans la discorde privée éventuelle ; et finalement, l'égalité de légitimité à exister. Pour analyser et déplorer ce dévoiement misandre de la vision des relations entre les femmes, les hommes et la société contemporaine, la philosophe Élisabeth Badinter a employé la locution néo-féminisme guerrier . Pour aller vers plus de concision et combler une

à vélo et en voiture

Rappelons aux cyclistes qu'ils ne se déplacent pas " en vélo " mais " à vélo ". Car la préposition " en " signifie qu'on pénètre dans le véhicule : en voiture, en train, en métro, en bateau, en avion. Si ce n'est pas le cas, la préposition appropriée est " à " : à cheval, à dos d'âne, à bicyclette, à moto, à skis, à pied ( pied étant au singulier, curieusement).

les liaisons agonisent

Chacun admet que " deux ans " ne se prononce pas deu' ans ( hiatus ) mais deu' z' ans ( liaison euphonique ). Cette qualité instinctive de notre prononciation est mise à mal par les médias parlés de France, qui ont amplifié depuis deux décennies la surprenante mais fulgurante disparition des liaisons devant les euros , instaurée par les commerçants dès l'an 2000, comme si l'unité monétaire euro s'écrivait avec un H aspiré. Ce qui donne "vin euros" au lieu de vingt euros  naturellement lié comme vingt ans ou vingt autres . France 5, l'intéressante "chaîne du savoir" (c'est son slogan), a poursuivi ce travail de sape, en nous créant à partir de 2007 une pénible ribambelle de titres d'émissions à graphie ostensiblement défaillante, sur le principe de C à dire (sic) au lieu de C'est-à-dire . Connaissez-vous quelqu'un qui dise vraiment " cé à dire " au lieu de c'est-à-dire ? Il semble que ch

vols intérieurs et vols domestiques

" Suppression des lignes aériennes domestiques : une bonne chose ?"   Pour la langue française, oui, excellente chose que de ne plus évoquer des lignes domestiques (sic). Car cet anglicisme mal traduit sent le crash linguistique à plein nez. Les Échos auraient été bien inspirés de nous reformuler ce jargon en français sans nuages : " Suppression des lignes aériennes INTÉRIEURES". Dans la langue anglaise, le pays et la patrie sont très fortement assimilés au chez-soi, au foyer domestique, à la maison, le fameux home, sweet home . D'un soldat qui rentre au pays, l'anglais dit qu'il rentre home . Il ne dit pas "to the country", ce qui signifierait littéralement " au pays " mais ne serait qu'une étrange traduction mot à mot du français. De la même manière, les lignes aériennes qui restent à l'intérieur des frontières d'un même pays sont dites en anglais domestic (du latin  domus : la maison). Ces domestic flights

dévaster la langue

JEAN CLAIR de l'Académie française :   " Oserai-je dire que mon projet scientifique et culturel serait d'abord d'obliger les ministères et leurs représentants à ne plus dévaster la langue du pays qui les emploie ? "    ( in Journal atrabilaire , p.82, éd. Gallimard, 2006) Oui, osez le dire, et sachons l'obtenir. Ministres, Secrétaires d'État, Conseillers et Conseillères, Secrétaires généraux, Directrices et Directeurs d'administrations publiques, " Faites ce que vous voulez du langage, mais n’inventez pas quand il suffit de savoir " (Paul Valéry) et ne laissez pas vos services imiter ce qui se dit quand ce suivisme les fourvoie. Ne les laisser plus nous demander de "renseigner un formulaire" (on remplit un formulaire, on le complète ; c'est le touriste égaré que l'on renseigne, ou l'administration elle-même, mais pas ses formulaires). Ne les laissez plus pondre des intitulés jargonnants ni jonc

a minima

En français, on peut préciser qu'une équipe doit être constituée de trois personnes au moins ou constituée de trois personnes au minimum . Les deux expressions sont exactement synonymes et elles sont l'une et l'autre irréprochables. Mais il existe depuis les années 2000 une tendance à remplacer ces locutions adverbiales françaises au moins et au minimum par la locution juridique latine " a minima ". Cette regrettable latinisation, d'inspiration pédante, est fautive car le sens en est inexact, voire opposé. C'est typiquement ce qu'on appelle un abus de langage . En effet, la formule latine a minima n'est utilisée à bon escient que dans l'expression juridique " appel a minima ". Il s'agit d'un appel que le ministère public interjette lorsqu'il estime qu'une peine prononcée par une juridiction est trop clémente. Il y a alors protestation du ministère public " issue de l'insuffisance de la sanction &q

"game changer" : changeons la donne

Alerte au virus langagier : l’américanisme game changer fait soudain fureur dans les médias français. Peu d’autres pays francophones s’adonnent à ce snobisme. Ou ce suivisme. Ou les deux à la fois, comme souvent. Essayons de tuer ce tic verbal dans son œuf encore mollet, en revenant à la formulation française qui comporte moins de syllabes et moins de lettres, et réunit donc tous les mérites. FRANGLAIS SNOB : c’est un game changer (prononcé "guêïm tchêïndjeur") FRANÇAIS LIMPIDE ET SOBRE : ça change la donne. POUR ACCÉDER À LA PAGE D'ACCUEIL DU SITE DE LA MISSION LINGUISTIQUE FRANCOPHONE,  CLIQUEZ ICI

troll

Emprunté dès le dix-septième siècle aux langues nordiques, le terme troll désignait une créature de contes, un peu informe et plutôt malfaisante. Réimporté récemment en passant par l'anglais, troll est devenu en français l'injure de l'ère numérique permettant aux faibles d'esprit de couper court à toute contradiction par le discrédit. Ce terme désobligeant n'est donc pas digne d'usage par les passionnés sincères d'échanges intellectuels par voie de réseau social ou d'édition collaborative, telle Wikipédia. Ni par quiconque fait preuve d'humanité, même envers ses contradicteurs. Troll n'est porteur que de violence verbale, morale et sociale. Dans les dictionnaires et dans notre esprit, il est temps de classer troll parmi les insultes, exactement au même niveau d'agressivité que sale con , bâtard, crevure, vieille pute  ou pauvre petite merde . Car sous couvert de diagnostic éclairé, de démasquage plein de sagacité, sa violence n'e

acte accompli ou commis

" Je suis fière d'avoir posé un acte inédit. " En cette première moitié de l'année 2023, la Mission linguistique francophone a constaté l'émergence d'une formule vide de sens mais très prisée par certaines personnalités politiques : "poser un acte". L'avenir dira si cette préciosité irréfléchie prend son essor ou si le vent qui l'a apportée la dispersera bientôt comme elle est venue. Au sens péjoratif, on commet un acte.  On sens laudatif, on accomplit un acte. Et dans le doute, on pose une question. Mais on ne pose nulle part un acte. Hormis sur la langue fourvoyée de quelques précieux ridicules et suivistes. POUR ACCÉDER À LA PAGE D'ACCUEIL DU SITE DE LA MISSION LINGUISTIQUE FRANCOPHONE,  CLIQUEZ ICI Pour prendre directement connaissance des missions de la Mission,  cliquez ici. Illustration : Eduardo Zamacois - Retour au monastère.

l'art du parolier francophone : Idylle Philoménale

Yves Montand avait fait connaître un texte drolatique , d'une ingéniosité rédactionnelle délectable et d'une vitalité francophone éclatante. Voici ces paroles d'une chanson aux rimes richissimes dans leur concept savoureux : une terminaison de sonorité féminine est appariée avec sa sonorité masculine équivalente, sans crainte du calembour ni de l'à-peu-près ; tel ce parallèle phonétique jouissif : Helvétienne > élever le sien  ! Sur ce plaisant pied d'égalité, le féminin et le masculin font route ensemble en toute légèreté. Voici ce texte sans autre commentaire qu'un hommage posthume à son auteur, René Rivedoux , dont nous ne savons à peu près rien. Idylle Philoménale   Quand j'ai croisé la Martine, C'était par un beau matin J'allais acheter des bottines Et lui trouvai très beau teint. Nous partîmes en limousine, Visiter le Limousin. Après, comme on le devine, Ma petite femme elle devint. Ma concierge qui est amène Tous les matins m's

accident de bébé

La RATP peine à formuler dans français impeccable ses annonces sonores ou écrites. Tel un étranger s'égarant dans le dédale des couloirs, elle s'égare dans le sens des mots les plus simples. Ainsi, la RATP annonce-t-elle depuis plus de quinze ans des accidents voyageurs (sic) ou, moins ridicule mais non moins inexact, des accidents de voyageurs . Pour signifier par là qu'un voyageur a été accidenté. Or, en français, on ne désigne jamais un accident par la nature de la victime, mais toujours par la nature de ce qui a causé l'accident : accident d'avion , et non accident de passager ni accident de pilote de ligne ; accident de voiture , et non accident de passager ni accident d'automobiliste ; accident de ski, et non accident de skieur ; etc. Quand un bébé est victime d'un accident domestique [un accident causé par la vie à la maison] et qu'on appelle à l'aide, on ne dit pas : " Au secours ! J'ai un accident de bébé " ! Par cett

salle omnisport

On voit presque partout l'adjectif omnisport écrit comme un pluriel invariable : omnisports . L'ajout permanent d'un s de pluriel au singulier d'un adjectif sous prétexte qu'il comporte une idée de multiplicité est sans gravité pour la santé de notre langue - car c'est une aberration rarissime, voire unique - mais préoccupant quant à la faille d'intelligence collective capable d'aboutir à ce choix illogique. L'exemple désastreux fourni par " salle omnisports " (sic) est d'une grande ineptie. Car si les préfixes exprimant la multiplicité se mettaient à avoir le don de rendre les singuliers pluriels, alors il faudrait écrire "une femme polyvalentes" car elle a de multiples talents ! Il faudrait se mettre à écrire "un mammifère omnivores" ou "la multiplications" avec un s et "la polygamies" itou. Nous n'avons pas réussi à convaincre tous les professionnels du sport, toutes les col