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Articles

Affichage des articles associés au libellé étymologie

cancérigène ou cancérogène ?

Apparu le premier dans notre langue, en un temps où les médecins étaient tous d'excellents latinistes et de bons hellénistes, le mot cancérigène s'est vu ultérieurement attaquer par un agent perturbateur : son synonyme mal lettré, "cancér o gène". Bien que les dictionnaires, dont celui de l'Académie française, entérinent les deux termes et leurs reconnaissent exactement le même sens, l'un seulement est correctement construit, et c'est cancérigène , avec un i.  Nul n'en disconviendra après la petite leçon d'anatomie que voici. Dans sa langue d'origine, le latin, la déclinaison du mot cancer lui confère un génitif tantôt en canceris tantôt en cancri (d'où viennent les cancres et les chancres ) et un nominatif pluriel en canceres ou cancri , mais jamais en canceros ni cancero ni cancro. Pas de "o" en ses articulations. Pourtant, une partie du corps médical francophone semble avoir récemment fait le choix de préférer le te...

chronophage et capillotracté

Néologisme bien assemblé et teinté d'humour, l'adjectif chronophage connaît une faveur grandissante et méritée. Il n'existait jusqu'alors pas de mot pour qualifier ce qui prend du temps, trop de temps, ce qui dévore [suffixe - phage ] le temps [radical chrono- ]. Le mot chronophage gagne actuellement ses lettres de noblesse et peut désormais s'employer sans guillemets, dans les contextes les plus variés, avec ou sans touche d'humour. Il n'en va pas de même pour le plaisant " capillotracté ", néologisme correctement assemblé lui aussi, mais empreint par essence d'une connotation burlesque très marquée et que l'on réservera au registre de l'humour. Construction 100% latine, capillotracté signifie " tiré par les cheveux ". • • • POUR ACCÉDER À LA PAGE D'ACCUEIL DU SITE DE LA MISSION LINGUISTIQUE FRANCOPHONE,  CLIQUEZ ICI Pour prendre directement connaissance des missions de la Mission,  cliquez ici.

le nègre et le noir

Le Cap Nègre atteste de l'emploi nullement péjoratif autrefois de l'italianisme " nègre ". Cette francisation de l'italien negro signifiant noir était au contraire utilisée pour son élégance florentine et son absence de connotation négative. C'est pour échapper aux jugements de valeur attachés à l'adjectif noir  (noir comme le péché, idées noires, etc) que les francophones se sont tournés jadis vers un synonyme étranger. Comme ultérieurement l'américanisme black , l'italianisme nègre était dépourvu de noirceur . Jadis. Les emprunts aux langues étrangères ont toujours servi à "laver" nos mots de leurs travers réels ou supposés, que ce soit trop de force ou trop de fadeur. Voyez " fake " supposé depuis peu renforcer " faux " ; ou " mercato " censé donner de l'intérêt à de banales tractations entre sergents recruteurs du foot. L’acceptation du titre Les dix petits nègres , en un temps où il n’existait ...

tuer père et mère

Parce qu'ils croient savoir qu'un parricide tue exclusivement son père, les échotiers de France et de Navarre viennent d'exhumer le mot matricide pour relater le meurtre commis par une adolescente sur la personne de sa mère. En fait, le parricide tue un ascendant, qu'il soit père, mère, aïeul ou aïeule. Ce n'est pas un patricide , terme qui désigne exclusivement le meurtrier de son père. Ou le meurtre du père. En effet, les termes parricide, patricide et matricide présentent tous la caractéristique rarissime de désigner aussi bien le crime que l'auteur du crime. Tandis que l'assassin commet un assassinat, tandis que le violeur commet un viol, l'escroc une escroquerie, le parricide commet un parricide. Et comment appelle-t-on le parricide qui a tué son père et sa mère ? Si l'on nous permet une touche d'humour sur un sujet aussi noir, c'est assurément du même coup un orphelin . CLIQUEZ ICI POUR ACCÉDER À LA PAGE D'ACCUEIL DU SI...

taiseux

Qui parle trop est bavard ; qui parle trop peu est taciturne . Avec le sympathique adjectif et substantif taiseux , les Belges et les Franc-Comtois ont donné au français un synonyme familier de taciturne . On constate que taiseux tend à s'imposer dans la langue des médias au détriment de taciturne , sans conscience de son registre familier ni crainte d'anachronisme. "Cyrus le Taiseux", titre Le Monde au sujet de l'empereur persan, très éloigné dans le temps et dans l'espace de ce récent patois bisontin (= de Besançon) et non byzantin  ! Le titre qui s'imposait, historiquement et géographiquement, était "Cyrus le Taciturne". Il est vrai que taiseux , contrairement à taciturne , épargne aux journalistes et aux animateurs de radio et de télévision - puis à chacun de nous par mimétisme médiatique - l'effort de remonter à la racine latine tacere qui créa taciturne mais est trop éloignée en apparence de " se tair e ". Le jou...

le dadais et la dadette

C'est l'histoire (très courte) d'une présentatrice de l'audiovisuel public qui, sans rire, nous parle d'une " grande dadette ". Moralité : les fautes d'orthographe peuvent s'entendre même quand on n'écrit pas. Et la plus "dadette" des deux n'est peut-être pas celle qu'on croit. En fait, il n'existe pas de féminin pour le mot dadais [ garçon gauche, au maintien embarrassé ], dont l'étymologie serait une onomatopée enfantine. Pour une fois que le vocabulaire n'est péjoratif qu'envers les gars, quelle idée d'en faire profiter les filles ? Écartant donc l'irrecevable "dadette", notre chère présentatrice avait à sa disposition godiche, bécasse, gourde, cruche, nigaude, bringue, etc. Ou, bien sûr, le néologisme " grande dadaise ", si le désir de fournir un peu de compagnie féminine aux grands et malheureux dadais la taraudait. • • • POUR ACCÉDER À LA PAGE D'ACCUEIL DU SITE DE L...

huissiers et huisserie

En vieux français, une porte était un huis . Tout ce qui concerne portes et fenêtres dans une construction s'appelle aujourd'hui encore huisserie . Ici, la terminologie de l'architecture rejoint celle de la justice et de ses huissiers. D'où vient ce nom d' huissiers de justice ? Non pas du fait qu'ils frappent à votre porte , avec des intentions parfois sévères - ni qu'ils vous dissuadent de jeter votre argent par les fenêtres - mais du fait que leur fonction première fut de garder l'entrée des tribunaux pour empêcher quiconque d'y écouter aux portes. Les huissiers protégeaient ainsi le secret des délibérations, derrière leurs portes fermées - en vieux français : leurs huis clos . Cette mission de confiance supposait de tels mérites que, par édit de janvier 1691, le Premier huissier du parlement de Paris était anobli d'office. Il existe en français d'autres huissiers que les huissiers de justice : les huissiers des finances publiqu...

rencontres sur l'environnement

Le ministère de tutelle des récentes rencontres sur l'environnement organisées par le gouvernement français a souhaité les intituler "Grenelle environnement". Une appellation ignorante des règles de construction du complément de nom en français (avec la préposition de ). Cette faute de syntaxe a été délaissée par les médias qui ont choisi de former correctement le complément de nom et ont rebaptisé ces rencontres " Grenelle de l'environnement ". En dépit de cette rectification grammaticale, l'étymologie de "Grenelle de l'environnement" reste particulièrement déroutante pour les linguistes, mais aussi pour les spécialistes des sciences politiques et de l'histoire contemporaine. En effet, dans la métonymie "accords de Grenelle" (1968), dont cette appellation se réclame, "Grenelle" ne signifie pas " accords " ni " rencontres " mais " ministère (français) du Travail " [dont les locaux son...

quand les chiottes fuitent

Pour le francophone épris d'une langue claire et cohérente, la lecture et l'écoute de la presse exigent souvent des nerfs d'aciers, dont tous les lecteurs et tous les auditeurs ne sont pas pourvus... En français, lorsqu'une information confidentielle ne le reste pas, on dit qu'elle filtre (et inversement que " rien n'a filtré ") ou qu'elle transpire . C'est plutôt joli et très parlant. Mais dans Le Monde [du 29 novembre 2006] et dans Le Figaro [du 16 novembre 2007], des journaliste sans doute recrutés par inadvertance n'ont pas craint d'écrire :" Son nom a déjà fuité dans les médias " (Le Monde) ; " le cabinet du Premir ministre britannique a fait fuiter les termes d'un possible compromis " (Le Figaro). Organiser une fuite [ d'information ], voilà ce qu'il faut comprendre derrière l'effarant barbarisme "faire fuiter". Rappelons que l'action de fuir s'appelle une fuite ...

attention, consultance (sic)

On trouve avec effroi le terme de " consultance " (sic) employé par certaines universités françaises (Lyon, Grenoble , Toulon, Pau) pour désigner en réalité l'activité de conseil [aux entreprises]. La malformation de ce néologisme inutile est tellement criante qu'elle se passerait de commentaire. Nous allons quand même en faire deux. D'abord, il faudrait sérieusement s'alarmer du peu de vigilance lexicale de certains directeurs d'établissements d'enseignement supérieur. Les universités pré-citées ne sont pas les seules en cause. Il existe de belles Grandes écoles, fort difficiles d'accès, dont les intitulé de certains cours ou diplômes ne font pas moins froid dans le dos par leur absence de rigueur intellectuelle ou leur fragilité linguistique. Ensuite, il faudrait s'atteler à bannir une fois pour toutes du vocabulaire professionnel le terme de " consultant ", mot anglais signifiant - dans cette langue mais non dans la nôtre - ...

savoureux plutôt que goûtu

L'adjectif savoureux est en voie d'extinction dans les médias audiovisuels et la publicité, au bénéfice de goûtu . Inventé il y a une vingtaine d'années dans le registre drôlatique et familier, l'adjectif goûtu n'a pas sa place dans un commentaire gastronomique châtié. Mais de nombreux professionnels de la langue perdent de vue les notions de registre ou de niveau de langue, et emploient un terme comme goûtu sans aucune conscience de sa trivialité ni de la connotation humoristique qui s'y attache. Est goûtu ce qui a un goût prononcé, éventuellement très déplaisant (comme la désopilante liqueur d'échalote au crapaud de la comédie Les Bronzès font du ski , dans les dialogues de laquelle ce mot fait surface). Est savoureux ce qui a une saveur agréable, voire succulente, ce qui a bon goût , voire très bon goût . Quant à " goûteux " (sic), que l'on trouve parfois aussi dans les médias à la place de savoureux , c'est un terme total...