On sait que notre langue souffre parfois de créations de termes inutiles et mal pensés, nés de la simple ignorance du terme nécessaire déjà présent dans son stock.
Inversement, des mots indispensables n'existent pas, et rien ne semble parvenir à les faire exister.
Une rivière est profonde ou peu profonde, mais l'adjectif autonome signifiant peu ou pas profond n'existe pas en français (shallow, en anglais ; flach en allemand ; sekély en hongrois). L'enfant dont les parents sont morts est orphelin ; mais les parents dont l'enfant est mort n'ont pas de nom. Les autorités francophones de la néologie officielle ne lui en cherchent pas ; peu importe l'indicible chagrin sans nom.
Mais c'est un troisième exemple qui nous intéresse ici.
On entre ou on sort. On empêche d'entrer et on empêche de sortir. Or, le contraire d'enfermer - au sens d'empêcher de sortir d'un lieu fermé - n'existe pas en français. Il serait pourtant utile pour les étourdis qui sortent de chez eux en oubliant de se munir de leurs clefs, ou les sèment quelque part et ne peuvent plus rentrer dans leur propre domicile. On en est réduit à expliquer qu'on est "enfermé à l'extérieur" ou "enfermé dehors", selon des oxymores peu satisfaisants dans la mesure où "enfermer" est un mot construit pour exprimer ce qui se passe dedans (préfixe en-) et non dehors (préfixe ex-).
Plutôt que de laisser indéfiniment un mot adéquat en-dehors des dictionnaires, La Mission linguistique francophone reconnaît depuis des décennies la nécessité de faire entrer dans notre langue le verbe exfermer et sa forme pronominale s'exfermer.
Enfermer et exfermer sont les équivalents exacts de l'anglais to lock in et to lock out.
Le néologisme exfermer comble un vide de façon aussi naturelle qu'utile. "Je ne sais pas ce que tu as fabriqué, mais je suis exfermée et j'ai froid ! Tu peux te dépêcher de venir m'ouvrir ?"
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