Accéder au contenu principal

villes "marchables", c'est non

La presse française se fait actuellement l'écho d'un classement des villes où il fait bon aller à pied.

Dans lequel Vincennes et Versailles se hissent en haut de tableau, Marseille en queue de liste, et où Paris occupe une place très au-dessous de la moyenne, à la suite d'aménagements voués au chaos cycliste et trottinettiste qui y a été instauré depuis 2020. Mais là n'est pas la question !

L'ennui, c'est que cet intéressant classement est affublé d'une affligeante dénomination jargonnante : "baromètre des villes marchables" (sic). 

Marchable est un barbarisme néologique infantile. L'adjectif idoine étant AMBULATOIRE (du verbe latin ambulare = marcher). Et cela depuis 1497 ! Citons la définition qu'en fournit le centre de ressources linguistiques du CNRS :

AMBULATOIRE = "qui permet ou n'empêche pas la marche"

C'est très exactement ce dont il est question : des villes qui permettent ou ne gênent pas la marche. Des villes ambulatoires.

Une ampoule buvable est une ampoule qui peut être bue. Une démonstration imparable ne peut être contredite. Voici la nôtre : une ville "marchable" serait une ville qui pourrait être marchée ! Ce qui viole notre syntaxe et heurte notre intelligence collective d'auditeurs francophones.

Il reste aux urbanistes à rétablir une terminologie recevable. Ils peuvent copier et coller cette réécriture en vrai français, libre de droits :

"Nous avons établi un classement des villes où il fait bon marcher. Que nous appellerons désormais villes ambulatoires".
"Les villes ambulatoires sont celles qui favorisent la marche ou ne la gênent pas".

Tandis que les villes "marchables" (la presse écrite sent bien la nécessité de guillemets mais ne va pas jusqu'à remplacer cet enfantillage par l'adjectif approprié) ne permettent que l'étiolement de la langue, la perte de vitalité des mots, et y contribuent même activement.

Quels que soient les paradoxes racoleurs et tapageurs maniés en faveur d'une langue en perte de limpidité et de cohérence avec elle-même par les passionarias  Laélia Véron (alias Le-français-est-à nous) et Julie Neveux (alias Le-français-va-très-bien-merci), un aphte comme "marchable" n'est pas signe de fraîcheur de l'haleine. Il nous confirme que c'est par le peu de zèle terminologique des grands médias d'information que ces bourdes lexicales s'imposent désormais dans nos conversations à la vitesse d'un postillon en plein figure.

illustration : élégantes marcheuses esquivant le cambouis d'un vélo et les souillures d'une poubelle crevée, dans un Paris devenu bien peu ambulatoire. Photo FA#

Commentaires

Miss LF a dit…
Lire aussi à ce propos notre article sur "le français de paresse" consistant à revendiquer l'usage de mots mal ficelés ou mal adaptés plutôt que faire appel à ses souvenirs avec une certaine intelligence des langues:
https://www.blogger.com/blog/post/edit/430158802137493933/4008775229619589636

L'un des souvenirs à solliciter étant, par exemple : "où donc ai-je mis mon dictionnaire" ?

Miss L.F.

Articles les plus lus cette semaine

à très vite ou à très bientôt ?