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Articles

pauvre verbe faire

Dès l'école primaire, on apprend à se défier d'un usage excessif du verbe faire , un peu vite qualifié de "pauvre" par nos maîtres. Beaucoup de professionnels de la communication écrite ou parlée oublient cette leçon à l'âge adulte, et reprennent à leur compte des formules comme " faire de l'essence " ou " refaire son retard " ou encore " refaire son handicap ".  "Je peux vous faire une carte bleue ?" demandent même certains clients désireux de payer par carte de crédit*. La Mission linguistique francophone note que cette négligence lexicale est actuellement en progression, et rappelle que certains emplois des verbes faire et refaire sont impropres, principalement parce qu'ils appauvrissent la langue et obscurcissent le sens. Ainsi, on fait le plein d'essence, mais on ne "fait" pas de l'essence : on en fabrique si on est un industriel du pétrole, on en achète , on en prend ou on en cherc...

taiseux

Qui parle trop est bavard ; qui parle trop peu est taciturne . Avec le sympathique adjectif et substantif taiseux , les Belges et les Franc-Comtois ont donné au français un synonyme familier de taciturne . On constate que taiseux tend à s'imposer dans la langue des médias au détriment de taciturne , sans conscience de son registre familier ni crainte d'anachronisme. "Cyrus le Taiseux", titre Le Monde au sujet de l'empereur persan, très éloigné dans le temps et dans l'espace de ce récent patois bisontin (= de Besançon) et non byzantin  ! Le titre qui s'imposait, historiquement et géographiquement, était "Cyrus le Taciturne". Il est vrai que taiseux , contrairement à taciturne , épargne aux journalistes et aux animateurs de radio et de télévision - puis à chacun de nous par mimétisme médiatique - l'effort de remonter à la racine latine tacere qui créa taciturne mais est trop éloignée en apparence de " se tair e ". Le jou...

quand l'eau coule, le singe grimace

La Mission linguistique francophone a constaté en France, depuis 2008, un net accroissement de l'emploi du double sujet [nom+pronom] : " l'eau elle est froide" , "le singe il grimace ", etc. Cette construction était jusqu'à présent l'apanage des enfants (" le maître il a dit ") ; et on les reprenait (" le maître a di t "). Le double sujet était aussi utilisé pour railler une mauvaise maîtrise du français par des étrangers peu instruits (" la madame elle est partie "). Mais depuis dix ans, l'accumulation du nom et du pronom est devenue fréquente dans la bouche des Français adultes, jusque dans celle des hauts personnages de ce beau pays qui, une fois encore, donnent le mauvais exemple en matière de francophonie. Bien sûr, les journalistes et animateurs de médias audiovisuels suivent la même pente et propagent cette faute de syntaxe, comme si soudain le pronom faisait partie intégrante de la forme conjuguée...

le gravage ou la gravure ?

Dans leurs publicités et leur explications techniques, certains graveurs industriels ou artisanaux (graveurs de DVD, graveurs sur verre, etc) font preuve de beaucoup d'attachement à l'emploi du terme incorrect " gravage ". L'action de graver s'appelle pourtant la gravure . Le gravage est un barbarisme qui se trompe de suffixe. La langue française a choisi d'unifier ses beaux-arts par une même désinence : peint ure , sculpt ure , architect ure , grav ure , et non gravage, peintage, sculptage et architectage. Les graveurs artisanaux ou industriels qui emploient cependant " gravage " donnent à cela une explication embarrassée : gravure ça ferait trop artiste justement, trop beaux-arts, tandis que "gravage" ferait plus technique. Cette crainte n'est pas fondée. D'une part la désinence en - ure est fréquente dans les termes techniques (soud ure , armat ure , bout ure , reli ure , ferr ure , ossat ure , broch ure ,  cou...

épais ou épée, violé ou violet ?

Hier encore, on entendit parler à la télévision française d'un enfant violé (sic) alors qu'il était violet (de froid) ! Ce genre de fautes de prononciation pures et dures ne relève pas d'un accent régional, mais d'une coquetterie médiatique qui fait tache d'huile dans le français courant de France (et non de toute la Francophonie) depuis la fin du XXe siècle. Le hic, c'est qu'on en vient à dire violé au lieu de violet, je l'aimez au lieu de je l'aimais, poignée au lieu de poignet, râblé au lieu de Rabelais, archer au lieu d'archet, coup d'épée au lieu de coude épais, et à parler le francé au lieu du françAIS (faute de phonétique commise même au sommet de l'État lors de l'inauguration de la Cité internationale de la langue françAISE ...). NDE : La phonologie des sons é et ê est un enseignement prodigué en France en cours primaire (CP) et en cours élémentaires (CE1, CE2) , dans toutes les régions du pays, dans chaque école. L...

on renseigne un touriste égaré mais on ne renseigne pas une case

On lit de plus en plus souvent (1) cette injonction : " Renseignez le questionnaire ". Dans la langue dénaturée que pratiquent certaines administrations, cela signifie qu'il faut fournir les renseignements demandés. Dans le français spontané des francophones que ces énormités n'ont pas encore désorientés, on renseigne des touristes égarés mais on remplit un formulaire (ou une fiche, une case, un questionnaire , etc). On lit aussi, de telles recommandations : " dans la première case, renseignez votre nom " (sic). La Mission linguistique francophone rappelle à ces rédacteurs administratifs en déroute - à qui il manque sans doute plus d'une case - qu'on indique son nom, on ne le " renseigne " pas. C'est la personne à qui vous indiquez votre nom que vous renseignez... Et non le questionnaire ni la case. Dans le même esprit, il existe depuis peu une tendance à porter dans les cases non remplies d'un formulaire la mention ...

vent debout

Les tics de la langue médiatique toquent à la coque du paquebot francophone. La mer moutonne, et ce sont une fois encore des moutons de Panurge... Depuis quelque mois, dans la presse français, on est " vent debout " à tout propos. Comme le rappelle Jacques Michaud , " lorsqu'un bateau à voile est exactement face au vent, le foc et la grand voile sont dégonflés et pendouillent ou fasseyent en produisant quelques maigres ondulations et de légers claquements. Le bateau n'avance plus. Quelqu'un qui est vent debout contre une idée, une proposition, un projet, est opposé à sa réalisation. " Il est opposé, certes, mais ne peut l'être que passivement, réduit à l'inaction par un vent diamétralement contraire qui l'empêtre dans le cliquetis improductif de son propre gréement. Il est opposé mais frustré. Et sans ressources. Au lieu de quoi, on nous parle de gens " dressés vent debout " contre une réforme comme de vigoureux opposants dont l...

suite à

Initialement, l'expression '' suite à' ' n'était employée que par dérision, au même titre que " rapport à ". Pour singer la langue administrative ou militaire malhabile, dans des phrases comme : " Mon adjudant, j'voudrais vous causer rapport à l'invasion de punaises de cavalerie ". L'effet était comique car chacun sait d'instinct que la construction des locutions '' suite à '' et '' rapport à '' est absolument défectueuse ; puisque le complément de nom se construit avec la préposition de et non la préposition à : il convient de dire " le père de Louis " et non " le père à Louis ".  De même : " la suite de l'action ", et non " la suite à l'action ". En France, contrairement au Québec , cette dimension sarcastique a récemment été perdue de vue par des professionnels de la langue écrite et parlée devenus coutumiers d'employer suite à au l...

les personnels de l'entreprise face aux publics du musée

" Les publics ", " les personnels " : la préciosité et le dogmatisme s'allient ici pour nier l'existence en français d'un singulier général. Celui grâce auquel nous aimons le bon vin, allons faire bronzette en été et voyageons par le train. Alors qu'il existe certes une multitude de bons vins, plus d'un été dans nos vies et plus d'un train dans nos voyages.   Dans une sorte d'entomologie sociale de mauvais aloi, épinglant chaque sous-groupe humain selon sa spécificité, la langue syndicale et celle du tourisme sont tombées tacitement d'accord pour imposer peu à peu dans le discours des pluriels vains . En France, plus un musée ne reçoit du public. Tous reçoivent désormais des publics. Ce pluriel est vain car appliqué à un terme que la linguistique qualifie de " massif " : il désigne au singulier une masse composite, plurielle. Aimer le vin, c'est aimer les multiples vins produits en diverses régions et pays...

lettre ouverte à tout proviseur en délicatesse avec son nom de fonction

Mesdames et Messieurs les proviseurs, Le 10 octobre 2014, l'Académie française a publié une déclaration solennelle et très circonstanciée, rappelant à toutes et à chacun que : " des formes telles que professeure, recteure, auteure, ingénieure, procureure, chercheure, etc, constituent de véritables barbarismes . " C'est donc avec étonnement et contrariété que nous voyons des proviseurs contentes de se parer du titre de " proviseure " (sic), bien que cette féminisation mal ficelée soit réprouvée par la seule autorité linguistique incontestée en matière d'usages francophones. Ce n'est pas mener un combat d'avant-garde que de commettre cette faute d'orthographe tout en étant parée de l'autorité pédagogique d'un chef d'établissement du second degré. C'est au contraire donner l'exemple du mépris de sa propre langue - non dans la féminisation de son titre s'il peut l'être, mais dans la manière irréfléchie de le f...

en finir avec au final

La faute de français " au final " (sic) a connu une propagation fulgurante, entre 2005 et 2008. Depuis, la contagion de notre langue par cette expression fautive s'est stabilisée mais son succès ne se dément pas. C'est pourtant une locution que les professionnels de la langue ne devraient ni employer ni accréditer auprès du public. Car le barbarisme " au final " (sic) est formé de manière défectueuse sur le modèle de " au total ", par oubli de l'existence du nom commun fin qui a déjà fourni la locution à la fin . Or, la fin , ça existe ; le total (au total) aussi ; le départ (au départ) aussi ; le fond (au fond) aussi. Mais " un final ", ça n'existe pas. La langue française ne connaît que  la finale [la finale d'un championnat, par exemple] mot féminin, ou le finale [le finale d'une symphonie, par exemple] mot masculin malgré son E ... final. Oui, qu'il soit féminin ou masculin, le substantif français...