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"être vent debout" : sens et contresens

Vent de bout est un terme de navigation à voile indiquant qu'un bateau se trouve exactement face au vent et n'avance donc plus. Qu'il est privé de vitesse et de possibilité de manœuvre, toutes voiles dégonflées, inerte. C'est donc dans un sens faux que cette expression est devenue insidieusement un tic de la langue médiatique et politique, une dizaine d'années après l'an 2000. Lorsqu'un orateur politique nous annonce aujourd'hui que ses partisans sont " vent debout contre " telle ou telle réforme, il s'imagine nous annoncer qu'ils s'y opposent avec vigueur, comme redoutablement campés sur leurs deux jambes dans un vent funeste. Mais il dit exactement le contraire : il nous apprend qu'ils sont réduits à l'impuissance et immobiles dans une mer qui s'agite sans eux... Ce n'est pas une lourde impropriété de terme, juste une petite erreur de cap sémantique. Car à 15° près dans la rose des vents, ces opposants pourr...
Articles récents

je vous partage

Depuis 2023, une construction grammaticale incohérente envahit les réseaux sociaux et trouble ainsi les esprits fragiles en matière de francophonie. C'est l'inepte "je vous partage" ; au lieu de " je partage avec vous " ou " je partage " (tout court). HYPOTHÈSE 1 Soit il s'agit d'une erreur de verbe : "partager" au lieu de "montrer, transmettre, adresser, communiquer, fournir", etc. Incorrect : Je vous partage ces images. Correct : Je vous montre / je vous adresse / je vous transmets / je vous fournis / je vous communique ces images. HYPOTHÈSE 2 Soit il s'agit d'une faute de construction du verbe "partager". Incorrect : Je vous partage ce lien. Correct : Je partage ce lien. Correct : Je partage ce lien avec vous. La précision "avec vous" est généralement inutile, car les personnes auxquelles s'adresse le message savent bien... qu'il s'adresse à elles. La correction à apporter au s...

on est sur

C'est de la soie. C'est du piment de Hongrie. C'est une jeune femme en bikini sur un cheval. Spécialité de notre langue, classée parmi ses  gallicismes  [tournures propres à la langue française], la formule " c'est" semblait impérissable il y a encore dix ans. C'était sans compter avec l'obsession galopante pour la préposition  sur, employée à toutes les sauces et sans lien avec ce qu'elle signifie. C'était aussi sous-estimer la propension des francophones de France à imiter les travers des animateurs de télévision aux qualités d'expression les plus incertaines. À la télévision, le critique culinaire vous explique qu' on est sur une moutarde de Dijon, le spécialiste de sports automobiles vous révèle qu' on est sur une Ferrari de 1965, et le politologue qu' on est sur une grève dure. En lieu et place du gallicisme " c'est ", la langue médiatique a ainsi répandu l'usage fautif d'une tournure de ...

long terme, moyen terme, court terme

Terme est ici à comprendre au sens d' échéance, au sens de fin , comme dans le verbe terminer et le mot latin devenu français terminus. Pourquoi ne faut-il jamais dire " sur le long terme " ni " sur le court terme " ? En quoi est-ce une faute indéniable, doublée d'une inutile complication ? Parce que toute langue a besoin de cohérence pour sa vitalité. Or, dans notre langue, les chose se font à terme , et non sur terme : un enfant naît à terme , un loyer se paie à terme , un train arrive au terminus , etc.  Un enfant ne naît pas "sur terme", et encore moins "sur le terme". " Sur terme " est donc faux, et " sur le terme " l'est plus encore. Que le terme soit long, moyen ou court, ni " sur " ni " sur le " ne peuvent le précéder. Pour cette raison, on dira donc exclusivement " à long terme, à moyen terme, à court terme ", et on se désintoxiquera de l'incohérent " s...

Kiev reste Kiev

La tentation est grande d'exprimer notre indignation devant l'invasion de l'Ukraine en rejetant tout ce qui est russe ou semble russe. Mais c'est évidemment se tromper de combat. Ni Prokofiev ni Mendeleïev ne sont en cause. Ni Kiev. Or, quelques médias sont en train de se tromper de combat en rejetant le toponyme francophone et anglophone Kiev . De bonnes âmes leur emboitent hâtivement le pas, convaincues qu'écrire Kiev , c'est écrire le nom de cette ville en russe. Or non, Poutine écrit Киев . Kiev est la translittération latine proposée au monde par la France dès le 12e siècle, et adoptée depuis sans discontinuer par la diplomatie, la littérature et les sciences de langue française. Certains Ukrainiens eux-mêmes ont mené campagne pour convaincre les médias francophones et anglophones de renoncer à la graphie Kiev au profit de la graphie "Kyiv " qui leur semble plus proche de l'articulation du nom propre ukrainien Київ , par qui maîtrise cette ...

drone, hydrone, géodrone, cosmodrone

L'anglais drone signifie bourdon . Non pas celui qui donne le cafard, the blues , mais l'insecte qui vole grâce au tourbillon d'air ascendant créé par ses ailes. Par analogie, le nom de cet insecte a été choisi pour dénomme des aéronefs sans équipage, fonctionnant par pilotage automatique ou téléguidé : les drones. On voit apparaître des engins de secours en milieu aquatique fonctionnant sur le même principe d'absence de pilote. Si ce n'est qu'ils ne volent pas mais flottent. Les désigner par le terme drone est donc un abus de langage. Des industriels ont imaginé de les dénommer "drones aquatiques", ce qui est un paradoxe ou un oxymore, comme on voudra, mais une solution défectueuse sur le plan lexical. La Mission linguistique francophone a été sollicitée pour réfléchir au moyen de combler cette lacune terminologique. Voici les propositions de néologismes que nous avons formulées à l'attention de la Commission d'enrichissement de la langue f...

vols intérieurs et vols domestiques

" Suppression des lignes aériennes domestiques : une bonne chose ?"   Pour la langue française, oui, excellente chose que de ne plus évoquer des lignes domestiques (sic). Car cet anglicisme mal traduit sent le crash linguistique à plein nez. Les Échos auraient été bien inspirés de nous reformuler ce jargon en français sans nuages : " Suppression des lignes aériennes INTÉRIEURES". Dans la langue anglaise, le pays et la patrie sont très fortement assimilés au chez-soi, au foyer domestique, à la maison, le fameux home, sweet home . D'un soldat qui rentre au pays, l'anglais dit qu'il rentre home . Il ne dit pas "to the country", ce qui signifierait littéralement " au pays " mais ne serait qu'une étrange traduction mot à mot du français. De la même manière, les lignes aériennes qui restent à l'intérieur des frontières d'un même pays sont dites en anglais domestic (du latin  domus : la maison). Ces domestic flights...

"suite à" : ses ravages s'aggravent

La locution suite à ravage toujours plus amplement la langue française. Les dix dernières années furent marquées par son expansion dégoulinante et l'appauvrissement impressionnant qui en résulte et se confirme.   Curieusement, la formule suite à est construite selon une aberration syntaxique que personne n'applique à d'autres locutions similaires (1). Qui dit  "cause à"  au lieu de " à cause de"  ? Personne. C'est pourtant exactement la même faute de syntaxe qui est commise d'un cœur léger dans " suite à"  au lieu de " à la suite de" . Cette surdité aux incohérences internes à sa propre langue, voilà ce qui intrigue et consterne. Mais le problème tient surtout à la désertification culturelle et intellectuelle causée par la propagation ravageuse de la faute de français " suite à" . Nous dressons ci-dessous une liste de vingt-et-une prépositions et autres formules synonymes, mortes ou agonisantes par la faute de...

changer de logiciel

Tournure à la mode  : " l'ONU doit changer de logiciel ". Tournures sensées : " l'ONU doit changer de logique, changer de raisonnement, changer d'approche ." Apparu depuis déjà dix ans, le glissement de sens entre LOGIQUE et LOGICIEL n'en finit plus de séduire les suiveurs. Pourtant, cette confusion délibérée est à réserver à qui se flatterait d'avoir dormi en maths et en philo, les deux enseignements qui aiguisent la logique . Or, la logique est chose rigoureuse, précieuse et universelle. La ravaler au rang de programme informatique malléable, falsifiable à loisir, et nous robotisant , est un abus de langage indigeste. POUR ACCÉDER À LA PAGE D'ACCUEIL DU SITE DE LA MISSION LINGUISTIQUE FRANCOPHONE, CLIQUEZ ICI

écriture inclusive, la punition d'une innocente : notre langue.

Nous sortons de la lecture d'un document universitaire, ainsi libellé : "Che.re.s étudiant.e.s, tou.te.s les candidat.e.s sont tenu.e.s de... etc...." Aux yeux des tenants de cette illisibilité radicale, ce n'est pas du vandalisme culturel. Mais si ça n'en est pas, qu'est-ce ? En fait, les pouvoirs publics français [*] ont officiellement interdit cette aberration typographique, cette pénible  préciosité . Mais plusieurs présidents d'universités françaises n'en ont cure, et " de nombreu.ses.x élu.e.s loc.ales.aux " s'en fichent aussi. Ces personnes y voient un progrès symbolique qui légitimerait la décadence de l'écriture. Et la destruction de son lien avec la lecture ; car comment lit-ont à haute voix " étudiant.e.s " ? Ou encore : " les nombreux.ses élu.e.s locales.aux " ? Au cas où, depuis votre pays autre que la France, vous ne comprendriez rien à ce dont nous parlons ici, sachez que c'est une ...