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on est sur

C'est de la soie. C'est du piment de Hongrie. C'est une jeune femme en bikini sur un cheval.

Spécialité de notre langue, classée parmi ses gallicismes [tournures propres à la langue française], la formule "c'est" semblait impérissable il y a encore dix ans.

C'était sans compter avec l'obsession galopante pour la préposition sur, employée à toutes les sauces et sans lien avec ce qu'elle signifie. C'était aussi sous-estimer la propension des francophones de France à imiter les travers des animateurs de télévision aux qualités d'expression les plus incertaines.

À la télévision, le critique culinaire vous explique qu'on est sur une moutarde de Dijon, le spécialiste de sports automobiles vous révèle qu'on est sur une Ferrari de 1965, et le politologue qu'on est sur une grève dure.

En lieu et place du gallicisme "c'est", la langue médiatique a ainsi répandu l'usage fautif d'une tournure de remplacement omniprésente autant qu'idiote : "on est sur".

S'ils sont vraiment gens de goût, le sommelier et le caviste seront bien inspirés de s'en détourner et de se remettre à nous dire avec simplicité : "voici un Sancerre blanc" ou "c'est un Sancerre blanc" ou encore "je vous propose un Sancerre blanc", plutôt que de continuer à nous saouler avec leur  "vous êtes sur un Sancerre blanc".

La formule "on est sur", "vous êtes surne constitue pas une évolution mais une dégradation de notre langue, par perte de sens. Car, non, nous ne sommes pas sur de la moutarde de Dijon mais devant un pot ou un plat dans lequel de la moutarde nous attend.

Et si cette écuyère est bien en bikini sur son cheval, nous ne sommes pas sur elle quand nous la regardons. "Là, on est sur une écuyère en bikini", est donc à la fois du mauvais, du très mauvais français et un bobard.

On peut craindre qu'il soit trop tard, que le gallicisme "c'est" soit déjà nécrosé. Mais gardons espoir et amputons notre langue de ces "on est sur" surabondants et infectieux.

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Commentaires

Anonyme a dit…
J'AIME J'AIME !!!!!!!! MERCIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII!!!!!!!!!!!!!!!!
Anonyme a dit…
À quand la page qui corrige "je passe la semaine sur Dijon" par "je passe la semaine à Dijon" ? Ici, le "sur" est dérivé du vocabulaire militaire ("marcher sur Dijon").

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