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le ressenti


Permettez-nous de vous donner notre sentiment sur votre "ressenti".

Tout comme "le déroulé" (même faute de syntaxe, même dérive) au lieu du DÉROULEMENT, "le ressenti" se caractérise par le recours artificiel à une forme verbale substantivée au lieu de l'emploi naturel d'un nom commun approprié. Cette vaine substitution est apparue depuis moins de dix ans. Il est encore temps de l'abandonner et très préférable de ne jamais l'adopter. Car ce que l'on RESSENT s'appelle depuis toujours, selon le contexte :

• un SENTIMENT
• une SENSATION
• une IMPRESSION.

Pas un "ressenti".

Nous sommes tous portés par les travers en vogue dans la langue de notre temps et prompts à tomber dans leur ornière. Ce n'est donc pas une attaque personnelle si vous employez depuis peu "le ressenti", juste une exhortation à retrouver sous votre plume et sur le bout de votre langue le juste mot sentiment ("je vous donne mon sentiment"), tellement plus caressant.

Ou les non moins justes substantifs sensation ("la sensation ne fut pas déplaisante") et impression ("quelle impression cette visite t'a-t-elle laissé ?"), selon le sens précis de ce que vous ressentez.

EXERCICE PRATIQUE
Que ressentez-vous devant ce royal portrait de Charles III en majesté : un sentiment, une sensation ou une impression ? (En option : rien du tout !)

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Commentaires

Anonyme a dit…
On trouve aussi "le vécu" depuis des générations, et vous ne le critiquez pas...
Miss LF a dit…
En effet. C'est justement parce que "le vécu" existe depuis deux siècles au moins qu'il ne justifie pas un article sur les tics de langage d'apparition récente dans les médias, ce qui est notre sujet central dans ce blogue.
Par ailleurs, on peut admettre qu'aucun terme équivalent n'existe pour "le vécu", qui exprime avec force ce qui a été vécu à un moment précis. Tandis que "la vie" ne convient pas. Et que "l'expérience" est un peu vague. Le mieux étant de dire "l'expérience vécue" ou "ce que j'ai vécu", plutôt que "mon vécu".
Vous en conviendrez sans doute ?
Enfin, insistons ensemble sur le fait que substantiver un verbe (tel "le savoir-vivre" qui en substantive deux d'une coup) et spécifiquement un participe passé passif [c'est-à-dire en faire un nom commun] n'est absolument pas critiquable en soi : c'est un des outils syntaxiques et lexicaux de notre langue.
La chose devient plus douteuse lorsque cela atteste
> d'un suivisme peu éclairé
> d'une perte de vocabulaire manifeste
> d'une pédanterie jargonnante (tel "votre éprouvé" au lieu de "ce que vous éprouvez")
> d'un snobisme anglomane (tel "un save the date" au lieu de "une invitation" ou "une date à retenir").

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