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écriture inclusive, la punition d'une innocente : notre langue.



Nous sortons de la lecture d'un document universitaire, ainsi libellé :

"Che.re.s étudiant.e.s, tou.te.s les candidat.e.s sont tenu.e.s de... etc...."

Aux yeux des tenants de cette illisibilité radicale, ce n'est pas du vandalisme culturel. Mais si ça n'en est pas, qu'est-ce ?

En fait, les pouvoirs publics français [*] ont officiellement interdit cette aberration typographique, cette pénible préciosité. Mais plusieurs présidents d'universités françaises n'en ont cure, et "de nombreu.ses.x élu.e.s loc.ales.aux" s'en fichent aussi.

Ces personnes y voient un progrès symbolique qui légitimerait la décadence de l'écriture. Et la destruction de son lien avec la lecture ; car comment lit-ont à haute voix "étudiant.e.s" ? Ou encore : "les nombreux.ses élu.e.s locales.aux" ?

Au cas où, depuis votre pays autre que la France, vous ne comprendriez rien à ce dont nous parlons ici, sachez que c'est une nouvelle manière d'écrire militante, supposée apporter le bonheur à toutes et tous en combattant l'abominable forme des pluriels mixtes de la langue française.

Que leur est-il reproché, à ces pluriels mixtes, donc neutres ? D'être majoritairement d'aspect semblable à des pluriels masculins. Ce qui est vrai.

L'impression d'intolérable domination des hommes via ce genre grammatical neutre est encouragée par la formulation d'une règle de grammaire d'un autre âge, selon laquelle " lorsqu'un pluriel comporte à la fois des sujets féminins et masculins, c'est le masculin qui l'emporte", ce qui est faux : c'est le neutre qui l'emporte.

Une table et un fauteuil sont beaux : pluriel neutre, sans une once d'oppression de la femme par l'homme.

C'est pourquoi cet énoncé grammatical qui considère comme "masculine" une forme relevant en réalité du mixte ou du neutre est radicalement faux et doit être éliminé des esprits. Éliminé par la rectification de sa formulation, et non par le sabotage de notre langue selon divers procédés fourvoyés.

À celles et ceux qui voudraient persister à affirmer que "le masculin l'emporte" dans les pluriels mixtes, et que c'est un scandale social, notre langue apporte spontanément sa contradiction : "les personnes, les victimes, les gloires nationales, les célébrités, les crapules, les sentinelles, les sommités, les personnalités, les fripouilles, les grandes figures locales" sont autant de pluriels mixtes dont on ne saurait affirmer sans se couvrir de ridicule que le masculin y règne, puisque ce sont des neutres similaires à des féminins.

La reconnaissance de l'existence du genre neutre et du genre mixte dans notre grammaire apporterait un apaisement irréprochable, car non destructif de notre culture. Cependant, il n'est toujours pas à l'ordre du jour. On se demande bien pourquoi.

La réponse actuellement donnée est que le masculin est seul nocif, et que pour le neutraliser, selon les plus exaltés, le mieux est de démanteler notre écriture à coups de points pour lui faire rendre gorge de sa supposée misogynie...

Pourtant, la très vindicative écriture inclusive (ainsi surnomme-t-on cette préciosité cacographique) n'est pas la punition du principe masculin ni la punition de la misogynie. C'est la punition d'une innocente : notre langue.

NB : Entre autres absurdités, on remarque que "cher.e.s" ne réussit aucunement la mise à égalité du féminin et du masculin par leur éparpillement "façon puzzle", puisque l'accent grave du féminin "chères" est introuvable parmi ces pièces en vrac...

[*] Pouvoirs publics français ayant interdit l'adoption officielle de l'écriture morcelée : Gouvernement et Académie française dès 2017, confirmation par le Conseil d'État en février 2019.


Notre illustration : Judith tranchant la tête d'Holopherne [par Caravage], allégorie de l'adoption d'une écriture morcelée pour faire rendre gorge au "masculin qui l'emporte" (moyen violent), par préférence au renoncement immédiat à cet énoncé scolaire faux, avec adoption officielle d'un genre grammatical neutre l'emportant dans tous les pluriels mixtes (moyen doux).

Initialement publié début 2019, cet article est remis sur le dessus de la pile en raison de l'entêtement de certains élus de la République française à pratiquer ce saccage cacographique.

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