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Articles

Affichage des articles du février, 2025

Kiev reste Kiev

La tentation est grande d'exprimer notre indignation devant l'invasion de l'Ukraine en rejetant tout ce qui est russe ou semble russe. Mais c'est évidemment se tromper de combat. Ni Prokofiev ni Mendeleïev ne sont en cause. Ni Kiev. Or, quelques médias sont en train de se tromper de combat en rejetant le toponyme francophone et anglophone Kiev . De bonnes âmes leur emboitent hâtivement le pas, convaincues qu'écrire Kiev , c'est écrire le nom de cette ville en russe. Or non, Poutine écrit Киев . Kiev est la translittération latine proposée au monde par la France dès le 12e siècle, et adoptée depuis sans discontinuer par la diplomatie, la littérature et les sciences de langue française. Certains Ukrainiens eux-mêmes ont mené campagne pour convaincre les médias francophones et anglophones de renoncer à la graphie Kiev au profit de la graphie "Kyiv " qui leur semble plus proche de l'articulation du nom propre ukrainien Київ , par qui maîtrise cette ...

bon déroulement et mauvais déroulé

La Mission linguistique francophone et l' Académie française unissent leurs efforts pour rappeler d'une même voix qu'une action se déroule selon son déroulement et non selon son " déroulé " (sic) - contrairement à ce que l'on lit depuis peu d'années sous la plume de rédacteurs professionnels adeptes de l'approximation. Faute que l'on entend par contagion dans la bouche des francophones que la répétition des erreurs de langage nouvelles attirent irrésistiblement, par la seule vertu de leur nouveauté. Pour ces francophones-là, que nous avons sondés, le bon déroulement est un mot éculé qui manque de dynamisme. Selon eux, le " déroulé " (sic) d'une cérémonie, c'est plus actif [*]. De toute façon - tranchent-ils - on est libre de dire ce qu'on veut quand même, non ? Ce dévoiement (et non ce dévoyé ) de la notion de liberté ne suscite ni le "consternement" ni le "consterné", mais bien la consternation . ...

citoyen : un qualificatif usé et usant

À propos " d'élections citoyennes " et d'un " Prix du Projet Citoyen ", la Mission linguistique francophone analysait en 2011 un travers consistant en l'usage inexact et abusif du mot citoyen . Un substantif transformé, même par les pouvoirs publics, en un adjectif redondant, devenu la caution de tout ce qui peut être entrepris dans la sphère civique [et non " citoyenne ", en vrai français], dans le domaine civil , ou en politique . Exactement un an plus tard, dans la catégorie des extensions de sens abusives , l' Académie française a repris notre flambeau sous forme d'un article de son blog Dire, ne pas dire , prestigieux petit frère du nôtre. L'article de l'Académie mérite d'être cité textuellement. "Il est fait aujourd’hui un fréquent mais curieux usage du nom citoyen, qui devient un adjectif bien-pensant associant, de manière assez vague, souci de la bonne marche de la société civile, respect de la loi e...

cancérigène ou cancérogène ?

Apparu le premier dans notre langue, en un temps où les médecins étaient tous d'excellents latinistes et de bons hellénistes, le mot cancérigène s'est vu ultérieurement attaquer par un agent perturbateur : son synonyme mal lettré, "cancér o gène". Bien que les dictionnaires, dont celui de l'Académie française, entérinent les deux termes et leurs reconnaissent exactement le même sens, l'un seulement est correctement construit, et c'est cancérigène , avec un i.  Nul n'en disconviendra après la petite leçon d'anatomie que voici. Dans sa langue d'origine, le latin, la déclinaison du mot cancer lui confère un génitif tantôt en canceris tantôt en cancri (d'où viennent les cancres et les chancres ) et un nominatif pluriel en canceres ou cancri , mais jamais en canceros ni cancero ni cancro. Pas de "o" en ses articulations. Pourtant, une partie du corps médical francophone semble avoir récemment fait le choix de préférer le te...

phonétique et syntaxe au JT de France 2

Au journal télévisé vespéral de France 2. " L'an dernier, un élève braquait son professeur avec un pistolet ". Non : ce charmant élève a braqué un pistolet sur son professeur , et non braqué un professeur avec un pistolet... La voix off de ce reportage poursuit : "Deux mains, etc". Or, il va s'avérer qu'il ne s'agit pas de deux mains mais de demain . La différence entre le son -eu- de feu ou vœux et le son -eu de peur et cœur , cette nette précision sonore qui distingue pareillement deux mains et demain ou jeûne et jeune ? La voix off s'en tape. Sujet suivant, sur un échouement en Corse. Autre voix off pour cet autre reportage. La voix d'un homme jeune nous parle des "garde-cotte" et de "la zonne", au lieu du garde-côtes et de la zone . Un accent régional qui l'empêcherait de prononcer correctement les sons Ô fermés ? Pas du tout, puisque ce même récitant nous parle des "r ô chers" au lieu des...

choisir entre dommage et dommageable

On entend souvent remplacer le simple " c'est dommage " par "c'est dommageable". Or, les deux significations ne se confondent pas. Du moins ne se confondaient-elles pas avant cette dérive. L’expression « c’est dommage » (dont la forme superlative donne "c'est bien dommage") est synonyme de " c’est regrettable, c’est fâcheux, c'est désolant, c’est malheureux, ce n’est pas de chance ». Voltaire, par exemple, se lamente en ces termes dans Candide : "C 'est bien dommage qu'elle soit devenue si laide ". Mais dire « c’est dommageable » implique explicitement le constat d'un authentique dommage, d'un préjudice, d'une perte de valeur. " C'est dommageable " n'exprime pas une simple déception mais un préjudice ouvrant éventuellement droit à réparations, selon les termes de l'article du Code civil, bien connu des juristes français : « tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un ...

échelle de la douleur

Les secouristes, pompiers et médecins, au premier rang desquels les médecins urgentistes, ont fréquemment besoin de se représenter la douleur éprouvée par le patient. Pour cela, ils nous  demandent de décrire notre douleur par une nombre sur une échelle de 1 à 10. Les professionnels de santé s'en accommodent et font la part des choses avec sagacité. Mais le nombre donné est hautement subjectif. Or, toute douleur n'est-elle pas subjective ? Si, et c'est pourquoi cette échelle de 1 à 10 a prouvé son utilité et ne souffre pas de critique fondamentale. Toutefois, on pourrait imaginer de faire correspondre à chaque échelon numérique une évaluation moins abstraite, et la plus parlante possible. Coupler ainsi cette échelle numérique avec une échelle d'adjectifs réduirait les larges approximations dans l'estimation "de 1 à 10". Voici la mise en mots que propose la Mission linguistique francophone . ÉCHELLE QUALIFICATIVE DE LA DOULEUR dans le mond...

a-t-elle l'air sérieuse ou l'air sérieux ?

La forme extrême du purisme s'appelle l' hypercorrection . C'est une méprise qui porte à considérer comme fautive une formulation ne méritant en réalité aucune réprobation. Ainsi en va-t-il de la croyance erronée selon laquelle l'expression " elle n'a pas l'air méchante " serait fautive, puisque le mot air est masculin et qu'il faudrait donc voir en " méchant " une épithète qualifiant l'air (méchant) de cette personne et non la personne (méchante) elle-même. Or, cette analyse est rarement juste et souvent entachée d'hypercorrection, car fausse. Lorsque c'est effectivement l'air adopté par la personne qui est qualifié, bien sûr le qualificatif de son attitude ou de son expression du visage doit être au masculin : " elle a un air absent " signifie qu'elle affiche une expression absente, un air absent. Tandis que " elle a l'air absente " signifiera qu'elle semble ne pas être là : "...

rapporteuse et rapporteur

Les féminins corrects des termes • porteur • colporteur • rapporteur sont évidemment • porteuse • colporteuse • rapporteuse . Tandis que "la porteure" et "la rapporteure" sont des barbarismes. Quant à écrire : " En tant que rappor teure , je suis por teuse de mauvaises nouvelles ", on voit l'indéfendable absence de cohérence de ce caprice. La charge parlementaire de rapporteur (d'un projet de loi, d'une enquête, etc) est pourtant la cible d'une féminisation erronée et très entêtée dans l'erreur : " rapporteure ", que ces dames préfèrent au féminin multiséculaire et seul correct rapporteuse , exactement aussi noble et indéniable dans sa forme que le sont chercheuse , semeuse, fileuse, chanteuse ou conteuse . Il leur semble que rapporteuse évoque les cafardages de cour d'école. Et alors ? En va-t-il autrement pour les  rapporteurs ?  Non. Mais dans le rejet des titres neutres, coupables de sembler masculins, comme chef...