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phonétique et syntaxe au JT de France 2



Au journal télévisé vespéral de France 2.

"L'an dernier, un élève braquait son professeur avec un pistolet". Non : ce charmant élève a braqué un pistolet sur son professeur, et non braqué un professeur avec un pistolet...

La voix off de ce reportage poursuit : "Deux mains, etc". Or, il va s'avérer qu'il ne s'agit pas de deux mains mais de demain. La différence entre le son -eu- de feu ou vœux et le son -eu de peur et cœur, cette nette précision sonore qui distingue pareillement deux mains et demain ou jeûne et jeune ? La voix off s'en tape.

Sujet suivant, sur un échouement en Corse. Autre voix off pour cet autre reportage. La voix d'un homme jeune nous parle des "garde-cotte" et de "la zonne", au lieu du garde-côtes et de la zone. Un accent régional qui l'empêcherait de prononcer correctement les sons Ô fermés ? Pas du tout, puisque ce même récitant nous parle des "rôchers" au lieu des rochers. Ce professionnel de la parole nous met un Ô ou il ne faut pas et nous en prive où il en faut. Plus incohérent encore, il prononce correctement la roche (et non "la rôche") mais ne parvient pas à faire le lien instinctif entre entre roche et rocher pour les prononcer à l'unisson.

C'est donc simplement le gros bordel (et non "bôrdel") dans la phonétique, la sémantique et la syntaxe médiatiques, à France Télévision comme ailleurs en France sinon hors de France. On le savait, on s'afflige tout de même de voir la tendance s'accentuer de façon exponentielle. Et on éteint la télévision, lassé de devoir corriger in petto, toutes les dix secondes, la forme informe de ce qui nous est dit.

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NDE : Un lecteur ironise aimablement sur le fait que la langue sera pire en 2925 - manière de qualifier de vaine l'exigence d'entendre les professionnels de l'information user à tout moment d'une langue limpide et cohérente. Nous le détrompons ci-dessous en ces termes :
"Vous êtes bien pessimiste. Car l'incompétence ou la négligence des professionnels d'un art quel qu'il soit (ici l'art oratoire) n'est pas une fatalité historique ni une inéluctable évolution. Elle n'est même que très rarement constatée *. Or, nous parlons ici de la négligence professionnelle d'orateurs de métier, pas de "la langue" en général, laquelle aura indéniablement beaucoup changé dans 900 ans, et sera peut-être même morte."

Quel musicien se satisfait d'un fa au lieu d'un fa#, d'une croche au lieu d'une croche pointée ? Quel architecte se satisfait de confondre 125m et 215m sous prétexte que les 3 chiffres sont les mêmes et que les lecteurs de son plans sauront bien les remettre dans l'ordre ? Quel vitrailliste restaurant Notre-Dame a estimé sans importance la distinction entre un bleu azur et un bleu turquoise ? Ce qui équivaut parfaitement chez un orateur de métier [comédien, journaliste, enseignant, avocat, politicien, interprète, etc] à négliger de faire entendre la différence entre demain et deux mains, entre haute et hotte, entre épais et épée (coude épais ou coup d'épée ?), etc.

Commentaires

Miss LF a dit…
Précision terminologique : l'échouement est involontaire, accidentel ; l'échouage est volontaire. Un échouage illicite peut-être maquillé en échouement.
Pierre a dit…
J’écoutais récemment une émission de Radio Sud consacrée au vin. Un des animateurs, dont je tairai aimablement le nom, a brièvement présenté les vins des « cottes de bonne » et des « hottes cottes de bonne. » Dans leurs niches, les bouteilles de côtes et hautes-côtes-de-beaune en tremblent encore...

P.S. Beaune avec majuscule quand il s'agit de l'appellation (et de la ville, évidemment), beaune (sans majuscule) quand il s'agit du vin : ce beaune est bouchonné. Êtes-vous d'accord ?

Miss LF a dit…
Article du 13 octobre 2919, concernant un journal télévisé ce soir-là.
Anonyme a dit…
Je ne doute pas un seul instant que la qualité de la langue utilisée en 2919 sera pire...
Miss LF a dit…
Cher Anonyme, vous êtes bien pessimiste. Car l'incompétence des professionnels d'un art quel qu'il soit (ici l'art oratoire) n'est pas une fatalité historique. Elle n'est même que très rarement constatée. Or, nous parlons ici de l'incompétence d'orateurs professionnels, pas de "la langue" en général, laquelle aura indéniablement beaucoup changé dans 900 ans, et sera peut-être même morte.
Miss LF a dit…
Oui, Pierre, parfaitement d'accord. "Nous avons bu un chablis à Chablis et du champagne en Champagne" !
Miss LF a dit…
Cher Anonyme, vous êtes bien pessimiste. Car l'incompétence des professionnels d'un art quel qu'il soit (ici l'art oratoire) n'est pas une fatalité historique. Elle n'est même que très rarement constatée. Or, nous parlons ici de l'incompétence d'orateurs professionnels, pas de "la langue" en général, laquelle aura indéniablement beaucoup changé dans 900 ans, et sera peut-être même morte.
Miss LF a dit…
PS : ".... Elle n'est même que très rarement constatée". En effet :
Quel musicien se satisfait d'un fa au lieu d'un fa#, d'une croche au lieu d'une croche pointée ? Quel architecte se satisfait de confondre 125m et 215m sous prétexte que les 3 chiffres sont les mêmes et que les lecteurs de son plans sauront bien les remettre dans l'ordre ? Quel vitrailliste restaurant Notre-Dame a estimé sans importance la distinction entre un bleu azur et un bleu turquoise ? Ce qui équivaut parfaitement chez un orateur de métier [comédien, journaliste, enseignant, avocat, politicien, interprète, etc] à négliger de faire entendre la différence entre demain et deux mains, entre haute et hotte, entre épais et épée (coude épais ou coup d'épée ?), etc.

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