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les misères du son Ê en fin de mots

"Vous aviez dit que vous ne feriez plus d'interviews du 14 juillet, que c'étez terminé." 
(Léa Salamé, journaliste interrogeant le président de la République française, 14 juillet 2020)

Dès son entrée en matière, cette intelligente locutrice professionnelle dépourvue de tout accent régional, promeut une envahissante coquetterie de la diction médiatique : la préciosité articulatoire par laquelle les terminaisons de étiez et était ne sont plus différenciées. Et cela au détriment du son Ê, déformé en son É. 

Ainsi, lait et laid deviennent-ils .

Et ainsi la prononciation de nos verbes au conditionnel et à l'imparfait devient-elle plus qu'imparfaite... Les sons -AIS, -AIT et -AIENT, très caractéristiques de ces temps de conjugaison, sont trahis comme par des illettrés qui croiraient bon de les réécrire à leur guise : "je voudré vous voir, tu été parti, elles pleurez de rage".

Ce que Mme Salamé prononce ici C'ÉTEZ (ou SÉTEZ ou C'ÉTÉ ou SÉTÉE ?) est donc en réalité l'imparfait C'ÉTAIT, dont la dernière syllabe devrait être prononcée en français de façon exactement identique au son Ê que l'on entend dans terre, fête, traître, misère, fer, vert ou bière.

On remarque que cette déformation, terriblement en vogue depuis l'an 2000 et terriblement destructrice de notre langue, n'affecte jamais les sons Ê de début ni de milieu de mot. Personne ne dit "égle" au lieu de "aigle". Le refus désolant de respecter la richesse des sons Ê ne s'attaque qu'à l'extrême fin des mots, comme les charognards ne s'attaquant qu'aux bêtes mourantes en queue de troupeau ;
ou aux mots d'une seule syllabe : "dé" au lieu de des, et même "dé" au lieu de dès (dès que) malgré son accent grave. Comme entendu trente fois dans cet entretien présidentiel, nous devenons alors malgré nous "lé Francé" au lieu de les Français.

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Commentaires

Anonyme a dit…
C'est une confusion qui revenait systématiquement dans la bouche des deux Perpignanais (/né/) que j'ai côtoyé à l'école, et même une troisième à l'écrit qui justement mélangeait les terminaisons.

C'est pourquoi si j'approuve votre billet, je propose tout de même d'épargner les Français Catalans du port du bonné d'âne.
Torsade de Pointes a dit…
En Belgique aussi, on ne fait pas trop la distinction. Ce n'est pas seulement dans le Roussillon.

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