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Articles

Affichage des articles du 2022

les nouveaux Incroyables

À la fin du dix-huitième siècle, il y eut en France des excentriques des deux sexes qui se plaisaient à ne pas prononcer la consonne R. On les appelait les Incroyables [" Inc'oyables "] et les Merveilleuses [" Me'veilleuses "]. Cette toquade phonétique dura dix ans et passa de mode. La fin du vingtième siècle a vu apparaître de nouveaux Incroyables qui se plaisent, eux, à ne pas prononcer le son Ê en fin de mot [comme à la fin de sifflet ] et le transforment en son É [comme à la fin de sifflez ]. Trente ans après, leur toquade dure encore et s'amplifie même. Ces partisans de la transformation du son Ê terminal se comptent aujourd'hui par millions [1] . Ils revendiquent d'être sont sourds à la musique des phonèmes francophones. À les entendre, leur langue n'est pas le  français  mais le  francé  (sic). Ils nous racontent ce qu'ils faisez (sic) au lieu de ce qu'ils faisaient ; entre la main et l'avant-bras, ils ont des...

évoluer n'est pas jouer

" L'an prochain, Machin-Truc n'évoluera pas en équipe nationale ". Ce titre de la presse sportive n'a que deux sens dans notre langue, dont ni l'un ni l'autre, hélas, ne correspondent à la pensée du journaliste. Ce joueur de football n'évoluera pas en équipe nationale ? En français cela signifie que Machin-Truc ne fera aucun progrès l'an prochain au sein de l'équipe nationale, que son évolution y sera nulle. Ou bien cela signifie que l'évolution de sa carrière ne le mènera pas en équipe nationale. Mais les amateurs de foot donnent à cela un autre sens qui leur est propre : évoluer est synonyme dans leur esprit de jouer  [au football]. Or, non : évoluer n'est pas jouer ! Violonistes et pianistes restent fiers de jouer de leur instrument. Les footballeurs professionnels et leurs commentateurs, eux, semblent estimer plus valorisant pour un joueur d' évoluer au foot plutôt que d'y jouer . Sans doute espèrent-ils ains...

le masculin ne l'emporte pas (en paradis)

Voici déjà quatorze ans, b ien avant le déferlement de la cacographie surnommée "écriture inclusive", n ous avions publié cette analyse apaisante.  Elle est lumineuse et imparable. Mais rien n'y fait : l'obscurantisme de la guerre des genres prend de la vigueur. Nous remettons donc cet article sur le dessus de la pile, compte tenu de l'obstination générale à ressasser que " le masculin l'emporte " - ce qui est faux - et à s'en plaindre, voire s'en venger, ce qui n'est pas plus judicieux. Il faut au contraire admettre ceci : la forme francophone des pluriels mixtes se montre alternativement masculine (par exemple : les individus dépravés, les gens connus, tous les témoins ) ou féminine (par exemple : les personnes présentes, les innocentes victimes, les personnalités invitées ). Il en résulte que la guéguerre des sexes ne devrait pas avoir sa place dans cette question grammaticale. Mais il apparaît aussi que la formule " le mas...

systémique

L'emploi immodéré du terme  " systémique " est à éviter. C'est le nouvel adjectif pompeux dont on aime se gargariser et qu'on accole à tout ce qu'on déplore : violence systémique, pauvreté systémique, embouteillage systémique, misogynie systémique, pédophilie systémique, inculture systémiques, racisme systémique, inflation systémique : tout y passe. Un jour, c'est  systémique qui passera. De mode. Soyez en avance sur votre temps : oubliez-le dès aujourd'hui ! Illustration : poisson à plumes, peut-être systémique lui aussi. Photo de Patrick Rougereau, intitulée Punky Fish (2022). • • • POUR ACCÉDER À LA PAGE D'ACCUEIL DU SITE DE LA MISSION LINGUISTIQUE FRANCOPHONE,  CLIQUEZ ICI Pour prendre directement connaissance des missions de la Mission,  cliquez ici.

s'enfermer et s'exfermer

On sait que notre langue souffre parfois de créations de termes inutiles et mal pensés, nés de la simple ignorance du terme nécessaire déjà présent dans son stock. Inversement, des mots indispensables n'existent pas, et rien ne semble parvenir à les faire exister. Une rivière est profonde ou peu profonde, mais l'adjectif autonome signifiant peu ou pas profond n'existe pas en français ( shallow , en anglais ; flach en allemand ; sekély en hongrois).  L'enfant dont les parents sont morts est orphelin ; mais les parents dont l'enfant est mort n'ont pas de nom.  Les autorités francophones de la néologie officielle ne lui en cherchent pas ; peu importe l'indicible chagrin sans nom. Mais c'est un troisième exemple qui nous intéresse ici. On entre ou on sort. On empêche d'entrer et on empêche de sortir. Or, le contraire d' enfermer - au sens d'empêcher de sortir d'un lieu fermé - n'existe pas en français. Il serait pourtant ut...

villes "marchables", c'est non

La presse française se fait actuellement l'écho d'un classement des villes où il fait bon aller à pied . Dans lequel Vincennes et Versailles se hissent en haut de tableau, Marseille en queue de liste, et où Paris occupe une place très au-dessous de la moyenne, à la suite d'aménagements voués au chaos cycliste et trottinettiste qui y a été instauré depuis 2020. Mais là n'est pas la question ! L'ennui, c'est que cet intéressant classement est affublé d'une affligeante dénomination jargonnante : " baromètre des villes marchables " (sic).  Marchable  est un barbarisme néologique infantile. L'adjectif idoine étant AMBULATOIRE (du verbe latin ambulare = marcher ). Et cela depuis 1497 ! Citons la définition qu'en fournit le centre de ressources linguistiques du CNRS : AMBULATOIRE = " qui permet ou n'empêche pas la marche " C'est très exactement ce dont il est question : des villes qui permettent ou ne gênent pas la marche. Des v...

chargés d'être en charge

Une expression française anodine est en train de disparaître : être chargé de (telle ou telle responsabilité professionnelle, associative, élective, etc). Elle est trop souvent remplacée par cette tournure fautive : " être en charge de " (sic). Il existe bien encore des Chargés de mission , dont la fonction tire son nom du fait qu'ils soient chargés d'une mission. Mais, oublieux d'une étymologie aussi limpide, ils se présentent le plus souvent aujourd'hui comme étant " en charge de " leur mission. Cette erreur s'est installée en français dans le milieu des années 1990 et n'en repart plus. Une fois encore, il s'agit d'une mauvaise traduction mot à mot de l'anglais " to be in charge of " qui signifie " être chargé de ". Elle s'est infiltrée sans que les défenses immunitaires de notre langue vivante aient joué leur rôle : rédacteurs en chef et secrétaires de rédaction qui ne corrigent pas un titre, un...

châteaux de cartes

Bryan Berg est un bâtisseur professionnel de châteaux de cartes. Il en fait spectacle et, selon la règle de ce passe-temps, n'utilise pour cela que de véritables cartes à jouer, sans colle ni attaches. À force d'habileté, de patience et d'absence de courants d'air, il est parvenu à établir un record du monde dans cette activité, avec un gratte-ciel haut de 7,81 m, bâti en 44 jours au moyen de 255 kilos de cartes à jouer.   En anglais, Il existe un mot pour définir celui qui s'adonne à la construction de châteaux de cartes ; c'est un cardstacker . Littéralement, un empileur de cartes. La notion n'est pas absente de notre culture, mais le français n'a pas de mot pour désigner ces "empileurs". Reste à en choisir ou en forger un. POUR ACCÉDER À LA PAGE D'ACCUEIL DU SITE DE LA MISSION LINGUISTIQUE FRANCOPHONE, CLIQUEZ ICI

"le mental" des sportifs

Les commentateurs, les entraîneurs, et les sportifs eux-mêmes, ont pris la mauvaise habitude de saluer " le mental " d'une équipe, d'une championne ou d'un joueur. " On parlera plutôt de la disposition d’esprit, de l’état d’esprit, voire du moral ", corrigeait l'Académie française dans un communiqué de 2012. Cette mise en garde est toujours d'actualité mais incomplète. Car l'appauvrissement du vocabulaire sportif a encore gagné du terrain. Avant chaque période de championnats, il faut s'entraîner à muscler fièrement sa francophonie, et ne plus invoquer maladroitement " le mental " au lieu de ces termes justes, limpides et forts : • la volonté • la détermination • la concentration • la force de caractère • la pugnacité • • • • POUR ACCÉDER À LA PAGE D'ACCUEIL DU SITE DE LA MISSION LINGUISTIQUE FRANCOPHONE,  CLIQUEZ ICI Pour prendre directement connaissance des missions de la Mission,  cliquez ici.

comme un arbre dans la ville

Ce billet de philologie environnementale et d'urbanisme emprunte son titre à l'œuvre de l'auteur-compositeur français Maxime Le Forestier . Il se réfère ici aux débats idéologiques, donc terminologiques, qui font actuellement rage dans la capitale mondiale de la langue française. Entre écologistes parisiens... et écologistes parisiens ! Les premiers (codétenteurs du pouvoir municipal) se proposent d'abattre ça et là de beaux arbres pour faire toute la place à ce qui incarne à leur yeux le summum de la protection de la nature : la prolifération du vélo et des trottinettes à batterie de plomb, de nickel ou de lithium. Les seconds (détenteurs du statut d'administrés des précédents) ne sont pas du tout ennemis de cette lancinante confiscation de Paris au bénéfice d'une infime minorité patinettiste et cycliste (env. 5% d'usagers assidus), au contraire. Mais ils refusent que cette régression s'opère au prix d'atteintes à ce qu'ils appellent "le v...

troll

Emprunté dès le dix-septième siècle aux langues nordiques, le terme troll désignait une créature de contes, un peu informe et plutôt malfaisante. Réimporté récemment en passant par l'anglais, troll est devenu en français l'injure de l'ère numérique permettant aux faibles d'esprit de couper court à toute contradiction par le discrédit. Ce terme désobligeant n'est donc pas digne d'usage par les passionnés sincères d'échanges intellectuels par voie de réseau social ou d'édition collaborative, telle Wikipédia. Ni par quiconque fait preuve d'humanité, même envers ses contradicteurs. Troll n'est porteur que de violence verbale, morale et sociale. Dans les dictionnaires et dans notre esprit, il est temps de classer troll parmi les insultes, exactement au même niveau d'agressivité que sale con , bâtard, crevure, vieille pute  ou pauvre petite merde . Car sous couvert de diagnostic éclairé, de démasquage plein de sagacité, sa violence n'e...

"game changer" : changeons la donne

Alerte au virus langagier : l’américanisme game changer fait soudain fureur dans les médias français. Peu d’autres pays francophones s’adonnent à ce snobisme. Ou ce suivisme. Ou les deux à la fois, comme souvent. Essayons de tuer ce tic verbal dans son œuf encore mollet, en revenant à la formulation française qui comporte moins de syllabes et moins de lettres, et réunit donc tous les mérites. FRANGLAIS SNOB : c’est un game changer (prononcé "guêïm tchêïndjeur") FRANÇAIS LIMPIDE ET SOBRE : ça change la donne. POUR ACCÉDER À LA PAGE D'ACCUEIL DU SITE DE LA MISSION LINGUISTIQUE FRANCOPHONE,  CLIQUEZ ICI

USA : ni comtes ni comtés

Les USA n'ont ni roi ni comtes. C'est pourquoi ils n'ont point de "comtés". Le territoire des USA est plus exactement subdivisé en  états  ( states ) et en  cantons  ( counties  ; et  county,  au singulier). La plupart des politologues de France, des étudiants en géographie ou sciences politiques, des journalistes, et même la quasi totalité des auteurs de dictionnaires, se fourvoient pourtant à traduire des noms d'entités administratives des USA telles que " Madison County " ou " Orange County " par " Comté de Madison " et " Comté d'Orange ", comme s'il existait ou avait existé aux USA un ordre nobiliaire ; et donc des principautés, des duchés et des comtés !   Non, les USA ne sont pas et n'ont jamais été une monarchie aristocratique, les USA n'ont jamais eu de comtes ni de comtesses de San Francisco ni de Miami, et la traduction de l'anglo-américain county par " comté " n'es...

dans les îles

En France, les professionnels de la langue - que sont notamment les journalistes, les enseignants et les orateurs politiques - semblent souvent avoir perdu la boussole : celle qui indique d'instinct à notre intelligence le mot juste. Hélas, cette désorientation superficielle de la langue des professionnels affecte en profondeur le langage courant. Spécialement en ce qui concerne le choix instinctif de la juste préposition de lieu . Qui sait encore qu'on n'habite pas "sur Lyon" mais À Lyon ? Concernant les îles, l'emploi fautif de " sur l'île de Ré " ou " sur la Corse " ou " sur Tahiti " - au lieu de DANS l'île de Ré ou EN Corse ou À Tahiti - transforme ces solides territoires insulaires en de frêles embarcations ; ou de vagues pontons SUR lesquels on vadrouille. Ne procédons pas à ce sabordage. Revenons dans les îles. Et rappelons à nos proches que la ravageuse préposition sur n'y a pas sa place à tout propos. SUR La...

l'art du parolier francophone : Idylle Philoménale

Yves Montand avait fait connaître un texte drolatique , d'une ingéniosité rédactionnelle délectable et d'une vitalité francophone éclatante. Voici ces paroles d'une chanson aux rimes richissimes dans leur concept savoureux : une terminaison de sonorité féminine est appariée avec sa sonorité masculine équivalente, sans crainte du calembour ni de l'à-peu-près ; tel ce parallèle phonétique jouissif : Helvétienne > élever le sien  ! Sur ce plaisant pied d'égalité, le féminin et le masculin font route ensemble en toute légèreté. Voici ce texte sans autre commentaire qu'un hommage posthume à son auteur, René Rivedoux , dont nous ne savons à peu près rien. Idylle Philoménale   Quand j'ai croisé la Martine, C'était par un beau matin J'allais acheter des bottines Et lui trouvai très beau teint. Nous partîmes en limousine, Visiter le Limousin. Après, comme on le devine, Ma petite femme elle devint. Ma concierge qui est amène Tous les matins m's...

pour des chefs en meilleure forme

LETTRE OUVERTE À MONSIEUR LE PREMIER MINISTRE  [France]. Nous vous vous écrivons respectueusement en votre qualité de ministre de tutelle de l'Académie française. Sous la pression d'une partie exaltée mais peu éclairée de l'opinion publique, cette institution vénérable a reçu injonction d'entériner un choix malencontreux. Au nom du droit à l'erreur, et du devoir de ne jamais s'y entêter, peut-on espérer que vous repenserez ce choix ? Voici de quoi il retourne. Comme en atteste le greffe  (du tribunal) terme masculin homographe du mot féminin la greffe  (de peau), la terminaison - effe  n'est aucunement la marque distinctive du féminin. Dès lors, il est bien regrettable que la féminisation de le chef  sous la forme dogmatique "la cheffe" ait été artificiellement imposée à notre langue dans son pays d'origine, au lieu de LA CHEF, féminisation naturelle et immédiate, calquée sur les sobres et justes modèles de la nef et la clef . Reje...

agalmatophilie et autres paraphilies

L'attirance sexuelle pour les statues s'appelle agalmatophilie . En nosographie psychiatrique, on parle aussi de pygmalionisme. Mais il est préférable d'employer ce terme uniquement lorsque l' agalmatophilie s'applique à une œuvre dans la création de laquelle le sujet excité à son contact s'est impliqué. Ces attirances sexuelles singulières - parmi lesquelles on trouve aussi le désir de lavements ou de copulation avec des arbres ou des automobiles - sont des  paraphilies . Les poupées gonflables ne sont pas considérées comme des statues, si cela peut vous rassurer. Illustration : un homme politique français irrésistiblement attiré par un buste en bronze de Jean Jaurès. POUR ACCÉDER À LA PAGE D'ACCUEIL DU SITE DE LA MISSION LINGUISTIQUE FRANCOPHONE,  CLIQUEZ ICI   Pour prendre directement connaissance des missions de la Mission,  cliquez ici.