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se faire plaisir ou se faire tuer

Trop nombreuses sont les personnes heurtées à mauvais escient par l'emploi de cette tournure irréprochable : "se faire violer, se faire agresser".

Elles s'en indignent en ces termes : "On subit un viol. On subit une agression. On EST violé. On EST agressé. On ne SE FAIT pas violer, on ne SE FAIT pas agresser."

Ce reproche est entaché d'une erreur d'appréciation appelée hypercorrection : au-delà du purisme, l'hypercorrection consiste à voir des fautes d'expression où il n'y en a pas. Or - en morale comme en littérature - voir le mal où il n'est pas est le contraire de la pureté.

En français, "se faire balloter par la houle" ou "se faire huer" n'exprime aucunement la volonté d'être balloté ou hué ; pas plus que "se faire torturer" ne signifie qu'on a appelé ce calvaire de ses vœux. C'est au contraire ici une fatalité subie qui s'exprime, comme dans "il s'est fait arrêter par le KGB puis violer par ses codétenus".

Le verbe pronominal "se faire" possède une propriété du langage appelée polysémie : la capacité de changer de sens selon le contexte. L'intelligence collective décode instinctivement cette polysémie.

"Se faire une beauté" indique la volonté de s'embellir. Mais "se faire voler ses économies" ou "se faire tuer" n'indique évidemment rien de tel. Sauf carence cognitive ou mauvaise foi, nulle intelligence individuelle ne peut s'y tromper ni le contester.

Les orateurs et rédacteur professionnels sont donc invités à ne tenir aucun compte du mauvais procès qui leur sera fait chaque fois que des mécontents mal inspirés prendront leur plume pour leur faire grief d'avoir irréprochablement manié les mots "se faire" dans toute leur naturelle polysémie, tantôt active, tantôt passive.

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