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accidents graves de voyageurs

La RATP aime bien les circonlocutions, au risque de se prendre les pieds dans le tapis (roulant ?) de la syntaxe et du vocabulaire.

"Accident grave de voyageur" est la pire circonlocution qu'on pût inventer et propager par hauts-parleurs sous prétexte d'évoquer à mots couverts une tentative de suicide ferroviaire. Si le voyageur y survit, la langue française en sort gravement accidentée et profondément abêtie.

Double faute.

Pour commencer, en français, on ne doit pas intercaler un adjectif entre un nom et son complément de nom.
Autrement dit, tout bloc de mots de type "fin de soirée" ou "accident de voiture" est insécable. C'est pourquoi en français pas encore vicié par les annonces de la RATP, on dit spontanément un bon chef de service et non "un chef bon de service". Et c'est pourquoi il faudrait dire un grave accident de voyageur, et non "un accident grave de voyageur".

Mais il se trouve que cette formule rectifiée resterait très défectueuse.

Car en français, on ne qualifie jamais un accident par la nature de l'accidenté (ici, le voyageur) mais toujours par la cause ou le lieu de l'accident (ici, le métro). On évoque un accident de ski, et non un accident de skieur ; un accident de montagne et non un accident d'alpiniste ; un accident domestique et non un accident de parent ni d'enfant ; un accident de voiture et non un accident d'automobiliste. C'est incontestable, mais à la RATP on le conteste puisqu'on persiste à nous parler d'accident de voyageur.

La Mission linguistique francophone a étudié le niveau d'expression orale des annonces publiques officielles de la RATP dans le métro parisien. Cette étude, menée de janvier 2007 à mars 2010, montre que la maîtrise de la langue parlée par la RATP à ses usagers correspond à celle d'un enfant de 7 à 11 ans, d'intelligence très moyenne, se gargarisant de termes et tournures dont il ne saisit pas pleinement les interactions logiques ni la portée. Un enfant en difficulté avec ses études primaires, s'appliquant à ressasser une courte récitation sans la comprendre et finissant ainsi par y intervertir des syllabes, des mots ou des locutions.

Les points forts de cette étude ont été transmis à la directrice de la communication de la RATP*, belle entreprise de service public employant des dizaines de milliers de collaborateurs, parmi lesquels aucun ne semble avoir reçu mission de veiller, avec le professionnalisme voulu, à la qualité irréprochable des messages, parlés ou écrits, délivrés heure par heure au cours de trois milliards de trajets annuels.

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* RATP : Régie autonome des transports parisiens. Service public du métro et des autobus circulant à Paris et dans sa région.

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