Est goûtu ce qui a un goût prononcé, éventuellement très déplaisant (comme la désopilante liqueur d'échalote au crapaud de la comédie Les Bronzés font du ski, dans les dialogues de laquelle ce mot fait surface). Est savoureux ce qui a une saveur agréable, voire succulente, ce qui a bon goût, voire très bon goût.
Popularisé il y a une trentaine d'années dans le registre drôlatique et familier, le régionalisme goûtu n'a pas sa place dans un commentaire gastronomique châtié. Mais de nombreux professionnels de la langue perdent de vue les notions de registre ou de niveau de langue, et emploient un terme comme goûtu sans aucune conscience de sa rusticité ni de la connotation humoristique qui s'y attache.
Quant à "goûteux" (sic), que l'on trouve parfois aussi dans les médias à la place de savoureux, c'est un terme douteux susceptible de s'écrire aussi goutteux et qui se rapporte alors à une maladie des articulations, appelée goutte. Rien de bien appétissant !
"Ta salade de lentilles est gourmande" : l'Académie française a récemment émis une mise en garde contre l'extension de sens abusive de l'adjectif gourmand appliqué, non pas à des êtres friands d'aliments réjouissants ("Robert est gourmand"), mais à des mets dont la consommation est propre à plaire aux gourmands ("un café gourmand"). Cette inversion de sens pollue la publicité et le commentaire médiatique, notamment dans la bouche des candidats et jurés participant aux émissions de compétitions culinaires. La réprobation de l'Académie à ce propos est légitime car il y a là une confusion diamétrale entre le mangeur et le mangé ; entre le sujet et son complément. Son complément alimentaire, bien sûr...
En résumé : Seul un mangeur peut être gourmand. Un plat est bon, savoureux ou succulent. Un plat n'est pas "gourmand" ; il ne peut qu'exciter la gourmandise humaine. Éliminez donc de vos commentaires culinaires le lancinant "c'est gourmand". Et réservez "c'est goûtu" au registre de la blague ; si vous êtes sérieux, dites plutôt : ça a du goût, ça a bon goût, ça a beaucoup de goût, c'est savoureux, c'est délicieux, etc. Ou tout simplement c'est (très) bon !
CLIQUEZ ICI POUR ACCÉDER À LA PAGE D'ACCUEIL DU SITE DE LA MISSION LINGUISTIQUE FRANCOPHONE
Commentaires
"Goûteux" n'est peut-être pas appétissant, comme vous l'écrivez, mais il existe bel et bien, du moins au sud de la Loire, lequel vaut bien le nord en la circonstance, comme en d'autres, même si certains voulaient croire qu' "il n'est bon bec que de Paris" (ce que la plupart des restaurants parisiens s'empressent de démentir par l'exemple).
Certes, c'est un régionalisme, mais " à Rome, comme les Romains", et donc, si vous venez nous rendre visite, n'oubliez pas de manger une "chocolatine goûteuse" qui vous changera de vos "pains au chocolat" qui ne sont pas du pain et ne contiennent pas de chocolat non plus (à moins d'appeler "chocolat" l'ignoble purée qui fourre la pâté briochée en question, et sont tout sauf… goûteux.
Notre ton n'est qu'enthousiaste (envers la vitalité des langues) et caustique (à l'égard des PROFESSIONNELS de la langue qui se flattent publiquement de leur incompétence, et eux seuls, comme le rappellent nos statuts consultables ci-dessus).
Nous confirmons que "goûteux" n'existAIT pas autrement que comme bévue avant d'être ressassé à satiété - c'est le cas de le dire - dans les médias sur le ton le plus docte, au point que le mot se soit désormais imposé, au nord comme au sud de la Loire et au-delà. Ce qui est inquiétant, vous l'avez compris, c'est que cet homonyme burlesque de "goutteux" (qui souffre de la goutte) - que vous réhabilitez avec bienveillance et diplomatie en tant que régionalisme - soit en train de tuer des qualificatifs de première nécessité comme "bon", "savoureux", "délicieux", "fort en goût", etc.
C'est cet appauvrissement de la langue médiatique, et par contrecoup du français courant, totalement mimétique du français médiatique, qui justifie notre mise en garde. Nous la réitérons.
Nous la réitérons aussi concernant l'emploi de "sécuriser", barbarisme qui remplace tous le verbes liés à la sécurité (protéger, rassurer, assurer, étayer, consolider, crypter, etc), et la manie de tout qualifier de "compliqué" avec une pauvreté sidérante depuis trois ou quatre ans, au détriment d'une cinquantaine d'autres qualificatifs (difficile, délicat, impossible, rude, compromis, irréalisable, tendu, inconfortable, etc).
"Goûtu" n'existe pas en dehors des Bronzés, j'en conviens avec vous. Mais "goûteux", quant à lui, est bien mentionné comme régionalisme dans le TLFi, où il est alors effectivement décrit comme un synonyme de "succulent" (la citation proposée est de Jean de La Varende en 1938) : https://www.cnrtl.fr/lexicographie/go%C3%BBteux
Pour quelles raisons pensez-vous qu'il serait véritablement "impropre" ?
C'est pourquoi nous confirmons que "goûteux" n'existe pas en français.
Comme nous le disons, on peut employer goûtu et goûteux dans le registre comique, et aussi dans le registre patoisant pour ce qui concerne le second, vous avec raison. Mais en français, il n'existe que goutteux avec deux TT, en lien avec la maladie appelée goutte.
Des cuisiniers de métier, nullement patoisants, devraient le savoir.
Cela dit après plus de dix ans de ressassement par ces grands chefs télévisuels de "c'est gourmand" (au lieu de bon, appétissant, savoureux) et de "c'est goutteux" (au lieu de c'est bon, ça a du goût, ça a très bon goût, c'est savoureux, etc), il est très probable que "goûteux" va finir par entrer dans la langue française. Et ce n'est pas un drame. Si ?
Miss L.F.