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Prix de la femme architecte

Il faut une bien déplaisante vision de la vie et de sa propre place dans la société pour estimer que le genre des membres d'une profession manuelle ou intellectuelle importe en soi. Qu'être homme ou femme, cela n'a pas la même valeur. Vision déstestable, et pourtant...

Le Prix de l'homme magistrat et le Prix de la femme architecte appartiennent à cette vision inepte et discriminatoire.

Le Prix de la femme architecte existe en France depuis peu, et celles qui le décernent (les hommes n'ont pas leur mot à dire) ou le reçoivent, curieusement, n'en discernent pas le sexisme ni la dimension ostensiblement discriminatoire.

Par chance, le Prix de l'homme magistrat est une fiction que nous venons d'inventer, bien que la magistrature soit majoritairement féminine (80% des effectifs sortant de l'École de la magistrature sont des femmes ; source Le Point février 2012) et bien que les hommes y soient donc une minorité méritante digne d'une "discrimination positive", pour qui veut voir ainsi les choses en toute parité.

On attend sans aucune impatience le Prix de la femme dentiste, celui de la femme équilibriste, de la femme fleuriste ou de la femme directrice de la communication, qui souligneront combien leurs homologues masculins sont méchants et indignes d'être éventuellement distingués à leurs côtés en toute mixité dépourvue d'ostracisme.​

Sur le plan linguistique, on remarque que la profession d'architecte, comme celles de dentiste ou de juge, est désignée par un même mot, à la lettre près, quel que soit le genre de la personne qui l'exerce.

Cela devrait couper l'herbe sous le pied des exaltés qui militent contre les désignations neutres et prônent leur féminisation par l'ajout de la terminaison -e , lettre magique qu'ils croient caractéristique du féminin. Or, elle ne l'est pas : la valeur, la grandeur, la chaleur n'ont pas besoin de ce -e terminal, non plus que la nef, la jubilation ou la mort ; tandis qu'un homme, un frère ni un père ne sont féminisés par leur -e terminal...

On nage donc en plein égarement interprétatif quand on attribue au -e terminal une valeur typiquement féminine. Ceux qui sont habités par cette erreur d'appréciation linguistique et cette lubie s'efforcent avec un certain succès d'imposer les termes chercheure, auteure, chefe, pourtant réprouvés par l'Académie française en tant que "purs barbarismes".***

Parce que ni architectee ni dentistee ni fleuristee ne tiennent la route sur la voie des chamailleries entre filles et garçons qui leur est chère, les forcenés de la distinction des mérites d'un sexe contre un autre ne se voient pas aller jusqu'au ridicule d'ajouter un second -e à la fin d'architecte pour distinguer hommes et femmes.  Alors, ces stratèges de la guéguerre des sexes prônent le nouveau syntagme  femme architecte. En attendant femme pneumologue, femme juge, femme fleuriste, femme artiste et femme génie, pour lutter contre l'insupportable caractère "non-genré" des mots pneumologue, fleuriste et génie qui placent femmes et hommes à stricte similitude de désignation et dans une authentique égalité de graphie.

Tiens ? L'adjectif stupide aussi est le même quel que soit le genre et la source des stupidités.


***Termes excats de la Communicatin solennelle de l'Académie française du 14 avril 2014.

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Commentaires

Anonyme a dit…
Bravo. Le conseil de l'Ordre des architectes et le Ministère de la culture manquent cruellement de sagacité en se prêtant à ce travail de sape de l'égalité professionnelle et intellectuelle entre femmes et hommes. Incroyable recul.
Et côté organisateurs, que vient faire la participation du Ministère de la famille à cette sombre histoire de sexisme assumé ???? S’il est heureux que le temps du père « chef de famille » exclusif soit révolu, le sous-entendu selon lequel la famille appartient désormais à la Femme architecte, ou plus largement aux femmes pourvu qu'elles excluent l'homme (comme elles s'unissent ici, jury et candidates, pour l'exclure d'un prix d'architecture) est nauséabond. R.A.


Anonyme a dit…
Inversement, les médias nous parlent de certains métiers comme si leur féminité allait de soi, sans reconnaître la présence des hommes dans ces activités : les infirmières, les caissières, les femmes de ménage.

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