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métaphores : vers un puritanisme rhétorique


Dans sa Lettre de la Médiatrice de Radio France, ladite médiatrice Emmanuelle Daviet s'est fait l'écho - en toute neutralité bienveillante - d'une protestation compréhensible mais infondée, sous ce titre en forme de truisme rédigé par une auditrice française mécontente : "la schizophrénie n'est pas une métaphore" [non, en effet, c'est une maladie mentale, nul ne l'ignore].

Cette auditrice entend que soit autocensuré, voire censuré d'autorité, l'usage des noms de maladies comme métaphores ou hyperboles. Ce vœu est contraire à la liberté d'expression, à la littérature et à la vitalité du français courant.

Pour apaiser nos propres lecteurs en leur ouvrant les yeux sur l'innocuité de ces sens figurés, voici maints exemples de métaphores d'affections médicales dont il n'y a pas lieu de s'émouvoir, aussi cruelles que soient ces pathologies pour qui en souffre dans la réalité :

• la surdité ("vous êtes sourds à nos demandes"), la cécité ("tu es aveugle ou quoi ?"), la paralysie ("le pays est paralysé"), l'amnésie, la paranoïa, la maladie d'Alzheimer, la danse de Saint-Guy, la cleptomanie, l'incontinence, le rejet de greffon ("la greffe n'a pas pris, nous avons dû le licencier"), la boulimie ("une boulimie d'images"), l'obésité, l'apathie, la mythomanie, l'érotomanie, la frigidité, l'impuissance sexuelle, la dépression, le cancer, l'asphyxie, l'agonie, le stade terminal, l'état végétatif, la mort cérébrale, etc.

• sans oublier : fractures ("une équipe de bras cassés"), hallucinations ("nan mais j'hallucine, quoi"), étranglement ("je suis pris à la gorge"), éruptions cutanées ("ça me donne des boutons"), vertiges, vomissements ("j'ai la gerbe"), décapitations ("des têtes vont tomber"), etc.

Bref, aussi noble que soit l'intention des personnes qui protestent contre ces métaphores (ou telle d'entre elles parce que celle-là les touche plus personnellement), leur protestation n'est pas recevable. Car elle procède d'un puritanisme rhétorique abusif, contestant la notion même de métaphore ! Laquelle retire par définition leur RÉALITÉ aux termes employés selon cette figure de style. Ce qui en désamorce tout caractère offensant envers les véritables porteurs de pathologies invoquées par image, qu'ils soient amnésiques, paralytiques, aveugles, muets ou schizophrènes.

Illustration : dédoublement de personnalité ? Une grave affection psychiatrique, très communément employée par métaphore. (photo F. Allinne)

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