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taxe carbone et parataxe

Pour venir au secours de la terre, il est actuellement* question d'instaurer une taxe sur les émissions de carbone.

Ce projet sans doute louable gagnerait à ne pas s'accompagner d'une création terminologique nuisible à la santé de notre langue. En effet, cédant à la mode de la suppression arbitraire des petits mots de liaison, les orateurs politiques annoncent une future "taxe carbone" (sic). Et les journalistes ne rectifient pas le tir. Ce n'est pourtant tout simplement pas du français.

En français, les substantifs sont qualifiés par un adjectif ou par un complément de nom : on mène une vie professionnelle et non "une vie métier" ; on écoute le chant du coq et non "le chant coq". C'est une donnée syntaxique toute simple qui assure le fonctionnement harmonieux de notre langue.

Pour en revenir au jargon "taxe carbone", ce viol de la syntaxe par la terminologie fiscale est une funeste nouveauté. Jusqu'à présent, les noms de taxes et d'impôts étaient correctement formés d'un substantif assorti d'un adjectif [taxe professionnelle, taxe foncière, impôts indirects] ou d'un substantif accompagné d'un complément [impôt sur le revenu, impôt sur la fortune, taxe d'habitation]. Mais voici ouverte l'ère de la paresse langagière sans borne, où articuler "taxe sur le carbone" ou "taxe carbonique" serait exténuant. La faute au carbone atmosphérique sans doute...

Ironie du sort, cette juxtaposition brutale de deux substantifs ["relation clients", "santé environnement", "fiche produit", ”taxe carbone"] s'appelle... une parataxe.

* Article initialement publié le 8 janvier 2008. Remis sur le dessus de la pile en raison de la multiplication de ce type de formules fautives.

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