Accéder au contenu principal

Articles

Affichage des articles du 2023

s'enfuir et s'ensuivre, même combat

Le verbe s'ensuivre ne s'écrit pas en deux morceaux "s'en suivre". Pas davantage que le verbe s'enfuir ne s'écrit "s'en fuir" ou que le verbe s'enfermer ne s'écrit "s'en fermer". Le grand public peut s'y tromper. Mais des personnes faisant profession d'écrire en français ne devraient pas s'y méprendre. On trouve pourtant toujours des professionnels de la communication écrite qui vous écrivent des choses comme : " il s'en est suivi une grève des pilotes " (sic) [ Le Monde ] au lieu de " il s'est ensuivi une grève des pilotes ". Ces même professionnels n'écrivent pourtant pas " il s'en est gagé à s'en tendre avec nous " (sic) au lieu de " il s'est engagé à s'entendre avec nous ". C'est pourquoi nous leur rappelons qu'en bon français, le verbe s'ensuivre n'est pas sécable et se conjugue d'un seul tenant, comme tout...

un ton comminatoire

La plupart des dictionnaires disponibles sur internet donnent mot pour mot la même définition de l'adjectif comminatoire , décrivant une manière de s'exprimer. " Qui a le caractère d'une menace ; menaçant. Style comminatoire, ton comminatoire ." Mouais... La nature exacte de la menace contenue en français courant dans la notion de ton comminatoire mérite d'être précisée : c'est un ton qui ne souffre pas la discussion ; un ton cassant, de supérieur à subalterne ; le ton sur lequel on donne sèchement un ordre dont l’inexécution sera sanctionnée. Ce n'est pas la menace du maître-chanteur ni du tueur à gages. C'est une menace de chef. Et c'est bien ce qui rend insupportable le ton comminatoire employé par qui n'est pas notre chef. • • • POUR ACCÉDER À LA PAGE D'ACCUEIL DU SITE DE LA MISSION LINGUISTIQUE FRANCOPHONE,  CLIQUEZ ICI Pour prendre directement connaissance des missions de la Mission,  cliquez ici.

accident de bébé

La RATP peine à formuler dans un français impeccable ses annonces sonores ou écrites. Tel un étranger s'égarant dans le dédale des couloirs, elle s'égare dans le sens des mots les plus simples. Ainsi, la RATP annonce-t-elle depuis plus de vingt ans des accidents voyageurs (sic) ou, moins ridicule mais non moins inexact, des accidents de voyageurs . Pour signifier par là qu'un voyageur a été accidenté. Or, en français, on ne désigne jamais un accident par la nature de la victime, mais toujours par la nature de ce qui a causé l'accident : accident d'avion , et non accident de passager ni accident de pilote de ligne ; accident de voiture , et non accident de passager ni accident d'automobiliste ; accident de ski , et non accident de skieur ; etc. Quand un bébé est victime d'un accident domestique [un accident causé par la vie à la maison] et qu'on appelle à l'aide, on ne dit pas : " Au secours ! J'ai un accident de bébé " ! Par c...

chronophage et capillotracté

Néologisme bien assemblé et teinté d'humour, l'adjectif chronophage connaît une faveur grandissante et méritée. Il n'existait jusqu'alors pas de mot pour qualifier ce qui prend du temps, trop de temps, ce qui dévore [suffixe - phage ] le temps [radical chrono- ]. Le mot chronophage gagne actuellement ses lettres de noblesse et peut désormais s'employer sans guillemets, dans les contextes les plus variés, avec ou sans touche d'humour. Il n'en va pas de même pour le plaisant " capillotracté ", néologisme correctement assemblé lui aussi, mais empreint par essence d'une connotation burlesque très marquée et que l'on réservera au registre de l'humour. Construction 100% latine, capillotracté signifie " tiré par les cheveux ". • • • POUR ACCÉDER À LA PAGE D'ACCUEIL DU SITE DE LA MISSION LINGUISTIQUE FRANCOPHONE,  CLIQUEZ ICI Pour prendre directement connaissance des missions de la Mission,  cliquez ici.

adorés et adoraient ne sont pas homophones

• Mes parents adorés, regardez les étoiles. • Mes parents adorés regardaient les étoiles. • Mes parents adoraient regarder les étoiles. Depuis plus de trente ans, un lourde et très négligente tendance du style oratoire médiatique consiste à ne plus prononcer correctement les sons Ê en fin de mots (comme dans  épais , benêt, Morlaix  ou  Manet ). Cette renonciation ne permet plus de distinguer laquelle des trois phrases ci-dessus est prononcée, puisque adorés et adoraient, regardaient et regarder  sont à tort prononcés de façon exactement semblable. Les terminaisons - ais , - aient, -ez, -er, és, êt, -et (jouet) ou -ée (jouée) ne sont pourtant pas homophones [contrairement à regardez/ regarder / regardé dont la prononciation correcte est rigoureusement la même]. Une génération montante d'orateurs professionnels [journalistes, enseignants, politiciens, comédiens, avocats] ne ne parle plus des faits (double son Ê) mais  "dé fées" . Et prononce parquée de do...

"sur" dépasse les bornes

"Ce dont on parlait sur les travailleurs." (Manuel Bompart, député français et docteur en mathématiques, 6 juillet 2020) La préposition SUR est ici employée inconsidérément à la place de l'un des termes POUR ou À PROPOS DE ou CONCERNANT, qu'elle phagocyte. " Ce dont on parlait pour les travailleurs " ou " ce dont on parlait à propos des travailleurs " ou " ce dont on parlait concernant les travailleurs " ,  voulait probablement dire cet orateur politique de langue maternelle française. Ou peut-être : "ce qu'on disait sur les travailleurs". Pour mieux comprendre quelle intrigue se noue dans notre feuilleton estival autour du petit mot de trois lettres sur devenu fou dans la langue de France contrairement à la plupart des autres pays francophones, résumons les épisodes précédents de ses méfaits. En moins d'une semaine, sur a été surpris à torpiller sans sommations les mots suivants : • à (avec les tristemen...

Poupée de cire, poupée de son

France 2, chaîne de télévision nationale, a coutume de diffuser et rediffuser chaque année un même documentaire sur le concours de la chanson de l'Eurovision. Bonne idée, car il est très bien fait. Mais ce serait une meilleure idée encore d'en supprimer un commentaire qui se veut élogieux mais se montre déconcertant d'incompréhension de l'art de Serge Gainsbourg dans son brillant maniement de la langue française et son talent d'auteur. Dans ce documentaire de France 2, pour vanter la chanson Poupée de cire, poupée de son ,  un sympathique ex-animateur nommé Patrick Sabatier en fredonne la mélodie et assène ensuite : "bon, avec une mélodie pareille, c'était pas grave d'avoir des paroles, "poupée de cire, poupée de son", disons-le, sans grand intérêt, assez enfantines."  Et paf dans ta gueule, Serge ! Puisque ce documentaire est diffusé et rediffusé, c'est que personne au sommet ni à la base de la direction des programmes de Franc...

citoyen : un qualificatif usé et usant

À propos " d'élections citoyennes " et d'un " Prix du Projet Citoyen ", la Mission linguistique francophone analysait en 2011 un travers consistant en l'usage inexact et abusif du mot citoyen . Un substantif transformé, même par les pouvoirs publics, en un adjectif redondant, devenu la caution de tout ce qui peut être entrepris dans la sphère civique [et non " citoyenne ", en vrai français], dans le domaine civil , ou en politique . Exactement un an plus tard, dans la catégorie des extensions de sens abusives , l' Académie française a repris notre flambeau sous forme d'un article de son blog Dire, ne pas dire , prestigieux petit frère du nôtre. L'article de l'Académie mérite d'être cité textuellement. "Il est fait aujourd’hui un fréquent mais curieux usage du nom citoyen, qui devient un adjectif bien-pensant associant, de manière assez vague, souci de la bonne marche de la société civile, respect de la loi e...

peut-on coconstruire ?

Néologisme inutile à souhait, le verbe coconstruire signifie simplement construire . Ou éventuellement construire ensemble , si l'on aime les périssologies [précisions redondantes]. Car dans con struire, le préfixe con- signifie déjà ensemble ! Mais surtout, parce que le contexte indique toujours que la prétendue " coconstruction " se fera à plusieurs : dans " nous allons coconstruire ", le sujet pluriel est déjà là pour exprimer la communauté d'action. Et dans "je vais coconstruire", on voit que l'énoncé est absurde (construire ensemble mais seul ?), ou bien qu'il manque le complément précisant avec qui je vais construire. Or, "je vais coconstruire une maison avec mes cousins" serait un pléonasme, qu'on s'évitera en disant tout simplement " je vais construire une maison avec mes cousin s". La réponse est donc : non, on ne peut pas "coconstruire" sans commettre une maladresse de langage. Ma...

poser un acte

" Je suis fière d'avoir posé un acte inédit. " En cette première moitié de l'année 2023, la Mission linguistique francophone a constaté l'émergence d'une formule vide de sens mais très prisée par certaines personnalités politiques : "poser un acte". L'avenir dira si cette préciosité irréfléchie prend son essor ou si le vent qui l'a apportée la dispersera bientôt comme elle est venue. Au sens péjoratif, on commet un acte.  On sens laudatif, on accomplit un acte. Et dans le doute, on pose ou se pose une question. Mais on ne pose nulle part un acte. Hormis sur la langue fourvoyée de quelques précieux ridicules et suivistes. POUR ACCÉDER À LA PAGE D'ACCUEIL DU SITE DE LA MISSION LINGUISTIQUE FRANCOPHONE,  CLIQUEZ ICI Pour prendre directement connaissance des missions de la Mission,  cliquez ici.

motif utile ou motif futile ?

Certains s'interrogent sur l'utilité de prononcer clairement en français les consonnes redoublées : i mm obile, i mm ense, i mm ature, i mm oral, a ll usion, i ll ogique, etc. Si un professionnel de la parole dit " i-mobile " ou " i-mense " au lieu de [ im-mobile ] ou [ im-mense ], tout le monde le comprendra. De même pour les "fautes d'orthographe sonores" suivantes : ilogique, imature, alusion, imoral , etc. Soumis à ces imprécisions phonétiques dans les médias parlés, nombre de locuteurs francophones perdent graduellement l'habitude de redoubler les consonnes, préférant l'économie d'effort articulatoire à la clarté de leur diction. Cette habitude de paresse s'étend à la prononciation de deux sons consonnes identiques qui ne sont pas au cœur d'un mot, mais se répètent en fin et en début de mots : baobaB Brûlé , par exemple. Certes, il est rare de parler de baoba b b rûlé, de cla m m agnifique, de la c c linquant, ou d...

questionner, interroger, demander

Il existe une subtilité de sens entre interroger et questionner . Quand faut-il employer l'un ou l'autre de ces verbes ? Très simple : quand vous posez UNE question, vous ne questionnez pas ; vous interrogez ou vous demandez. • Vous demandez au pâtissier le prix d'une tartelette. • Vous interrogez l'office du tourisme sur les heures d'ouverture d'un musée. Toutefois, interroger peut aussi consister à poser plusieurs question, avec ou sans insistance : un juge d'instruction interroge ou questionne. Interroger et questionner sont alors synonymes. Tandis que le verbe questionner  suppose toujours que vous posiez plusieurs questions, et veilliez à en obtenir la réponse de façon suivie voire insistante . • Vous questionnez depuis des années la mairie sur la dégradation de votre quartier. • Les PUF  questionnent le monde (slogan publicitaire des Presses Universitaires de France, judicieux pour des ouvrages posant une multitude de questions sur le monde, et d...

2024 : la fin de la fin est annoncée

La Mission linguistique francophone pronostique la mort prochaine de la fin , remplacée par le final . Aussi invraisemblable que cela puisse paraître, la fin sera alors devenue du vieux français. Comme l 'avenir, remplacé par le futur (1). Retraçons les étapes de cette sénescence.  En dépit de l'existence de la locution à la fin et de l'adverbe finalement, la formule défectueuse " au final " (sic) s'est installée depuis plus de vingt ans ans dans le français courant .  Comme la tendance ne s'inverse pas mais s'accentue, les années 2020 semblent annoncer la mort de la fin elle-même, métamorphosée en  le final . L'expression " au final " (sic) a été maladroitement forgée au début du vingt-et-unième siècle par des cuistres médiatiques sur le modèle de " au total ". Rappelons-leur que " au " signifie " à le ". Or, le total ( au total ) ça existe en effet , tout comme existent le départ (...